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There Will Be Better Days

PLaura Bazalgette
@17 Juil 2009

L’artiste mexicain Eduardo Sarabia présente une installation forte, Money Changes Everything, dont l’humour et l’absurdité nous renvoient à la violente réalité des sociétés modernes. Déclinant les motifs, et usant de diverses techniques, l’artiste livre une œuvre pleine, critique, et fantastique.

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Anne de Villepoix, l’artiste mexicain Eduardo Sarabia présente une installation forte Money Changes Everything ainsi qu’un ensemble de dessins et de peintures, le tout questionnant avec humour et ironie une réalité violente. Meurtres, cartels de drogues mexicains, règlements de comptes, visages de femmes tachés de peinture, doigts découpés, tessons de bouteilles de bières, revolvers, l’œuvre d’Eduardo Sarabia dévoile tout en couleurs la réalité politique et économique d’un pays en proie à d’incessants conflits.

Partant d’un fait divers réel, la macabre découverte au Mexique de têtes découpées dans des glacières de la marque OXXO, l’une des principales chaînes de supermarchés du pays, Eduardo Sarabia décline les motifs à travers diverses techniques et matériaux: peinture acrylique sur papier, travail sur céramique, huile sur toile.

Dans la première salle de la galerie, sont accrochées deux peintures de grand format  et techniquement quasi-photographiques. Sur l’une, Tainted Memories 2, une femme assise proche de l’objectif s’apprête à avaler une pâtisserie non identifiable car en partie recouverte de larges tâches de peinture. Elle porte une casquette de base-ball bleue brodée à l’effigie de LA, Los Angeles, et un maillot de bain aux motifs léopards.  Le décor semble californien —piscine, palmiers, soleil, sable.
Eduardo Sarabia a masqué à coups de pinceaux les visages et quelques éléments du paysage;  opérant  un geste d’effacement ou de recouvrement. On pense à d’anciennes photographies usées par le temps.

Ces œuvres résonnent comme annonciatrices d’une catastrophe à venir. En effet, passant au deuxième espace de l’exposition, les techniques et codes picturaux nous plongent dans un univers sourd et brusque.  Les motifs déclinés laissent présager le pire: doigt découpé, bouteille de bière vide, baril d’huile en feu, le tout reposant sur un fond de nature fait d’épaisses feuilles vertes.
Eduardo Sarabia figure ce qui est sur le point d’arriver (la découverte de têtes dans des glacières de la marque OXXO). Il opère ainsi une gradation dans la représentation du drame. Ainsi gît au milieu de la salle une pile de 500 doigts de céramique blanche, You’ll Miss Me When I’m Gone, installation saisissante et silencieuse. Pas de sang et choix d’un matériau fragile, la céramique (art traditionnel au Mexique).
À travers le folklore traditionnel mexicain, les techniques et les imageries, Eduardo Sarabia explore le contemporain et aborde les problématiques politico-économiques de notre époque.

C’est dans le dernier espace de l’exposition que l’on retrouve l’installation Money Changes Everything. Sur cinq socles disposés en quinconce, tous surmontés de glacières en fibre de verre (marquées du sigle OXXO renvoyant au fameux fait divers), reposent des vases dorés en céramique. Chaque vase est peint à l’or et présente  des motifs tels qu’une femme nue, une feuille de marijuana, des revolvers. Imagerie western qui fait sourire.
Que contiennent ces glacières mystérieuses et fantastiques? On l’ignore, mais la confrontation entre la céramique, travaillée artisanalement, et la fibre de verre industrielle opère des frottements d’où surgissent des totems.

L’œuvre d’Eduardo Sarabia se construit à travers diverses techniques, le dessin, la peinture sur céramique, la sculpture, et ses installations déplacent avec humour l’endroit du drame. Comme une mise en théâtre du réel.
Mêlant art traditionnel artisanal et culture populaire contemporaine, Eduardo Sarabia traite sans concession du présent et d’une réalité ordinaire violente. Son geste révèle le mal-être de nos sociétés modernes avec douceur et sensibilité.

Eduardo Sarabia
— Money Changes Everything, 2009. Fibre de verre, céramique émaillée et or 14K, pièce unique. Boite Oxxo 36 x 30 x 40 cm, vase: h = 30 cm, diamètre = 25 cm.
— They’ll Be Better Days (oxxo), 2009. Acrylique sur papier. 46 x 53 cm encadré.
— Reserva Garras de Leon, 2009. Acrylique sur papier. 185 x 140 cm.
— Casa de Piedra, 2009. Huile sur toile. 142 x 199 cm.

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