ART | CRITIQUE

The Truth of The Trou

PVincenza Mirisola
@06 Mai 2010

Dans l'exposition «The Truth of the Trou», Jorge Pedro Nuñez fait subtilement découvrir, au moyen d'objets géométriques, assemblés, collés, simplement sublimés, «les relations cachées et coupables de la géométrie et de la sexualité».

Au travers de la vitrine de la galerie Crèvecœur, la lumière naturelle se reflète dans les trois œuvres en inox de l’exposition «The Truth of the Trou». Trois grandes plaques en métal mat et à la surface lisse, qui créent un effet de miroir, servent de support à des collages géométriques formés par des pages de catalogues collées arbitrairement les unes à côté des autres.

Ces pages forment autant de cadres blancs au centre desquelles apparait la surface lisse du métal. De la mise en page des catalogues seuls subsistent le titre et la notice de l’œuvre. L’image de l’œuvre présentée a, quant à elle, été soigneusement découpée. Savant assemblage de formes identiques mais de taille et de proportions diverses, l’effet géométrique produit est mis à mal par un collage volontairement approximatif sans souci de perfection. Jorge Pedro Nuñez met juste en place de manière rapide une idée simple et efficace.

Les pages de catalogues destinées à être découpées ont en commun de présenter des œuvres contenant un carré noir, un point, une déchirure ou un trou. «The Truth of the Trou» propose une somme, une agglutination de riens. Poussant à leur paroxysme le désir de néant des auteurs des œuvres présentées dans les pages de catalogues. On se mire dans l’acier froid, notre reflet remplaçant pour un instant l’œuvre découpée.

Les trois collages sont présentés chacun sur un mur. On peut donc virtuellement se mirer à la fois de face, de dos et de profil, comme dans une cabine d’essayage, et ainsi s’inscrire dans l’installation de façon ludique. Le visiteur est l’élément manquant de l’œuvre, le «Trou» dont Jorge Pedro Nuñez prétend dévoiler la vérité. En entrant dans l’espace d’exposition, le visiteur complète le dispositif

Dans la même salle, une sculpture de formes géométriques, faite de roues de vélos, est posée au sol. Elle est intitulée Etre tordue parce que la roue semble tordue. Bien qu’elle paraisse s’inspirer des ready-made de Marcel Duchamp, elle a en réalité été assemblée à partir de vieilles roues soudées. Les rayons des roues posées à terre rappellent l’art cinétique et forment une corolle de coquillage presque organique. A l’ère de la flexibilité et des restructurations, cette torsion en équilibre rappelle notre condition d’êtres tordus. Etrange objet fait de vieux métal récupéré qui pourtant semble avoir une vie propre tant sa forme semble viscéralement humaine, complexe et tordue…

L’installation-sculpture de la seconde salle est faite de la récupération et du mariage d’un escabeau et d’une chaise industrielle désaxée et démantelée. Presque aussi beau que «la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie». Hommage, appropriation, l’artiste convoque les codes de l’art contemporain avec finesse et humour.

Cet étrange couple d’acier est enchanté par un système low tech: un minuscule moteur faisant tourner un assemblage de vinyles 45 tours dans l’espace de l’échelle. Par ce simple système de rotation, l’installation hypnotise le visiteur qui regarde tourner les disques comme un couple sur une piste de danse. Au moyen de simples glissements d’usages et de formes, Jorge Pedro Nuñez nous fait croire en son histoire d’amour — le titre Quierendo unirme contigo (No seas timida esta noche), signifiant «Voulant m’unir à toi (Ne sois pas timide ce soir)», est le titre du disque qui tourne sous nos yeux.

Les vinyles tournent accrochés à la poignée de l’escabeau comme sur un tourne-disque et comme les couples qu’ils font habituellement danser. Les deux objets-sculpture, escabeau et chaise sont formés de tubes de métal de diamètre similaires. Trop semblables pour s’unir, le titre évoque le désir «Quierendo…», et laisse entendre la frustration de se couple impossible. Exquise métaphore de l’amour impossible.

— The Truth of The Trou I, 2010. Collages on stainless steel. 75 x 115 cm
— Queriendo unirme contigo (no seas timida esta noche), 2010. Steel stepladder, vynil 12-inch, motor, chair, variable dimensions
— Être tordue, 2009-2010. Bicycle wheels, 65 x 65 x 65 cm

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