ART | CRITIQUE

The Transparent Ceiling

PAlexandrine Dhainaut
@06 Mai 2009

Les travaux d’Edith Dekyndt révèlent la part poétique de phénomènes physiques tels que le magnétisme ou l’apesanteur, à travers une exposition remarquable, toute en délicatesse.

L’exposition est à l’image du travail d’Edith Dekyndt : précieux et sensible. Le visiteur découvre un accrochage épuré, réduit à quelques pièces disposées de façon éparse sur les deux étages de la galerie.

D’emblée, le regard est attiré par la pièce centrale au rez-de-chaussée (Martial O.): une table en verre sous laquelle un petit tapis de poussières de fer est subtilement caressé par un mouvement circulaire. Sous la table, un dispositif électrique actionne les rotations d’un aimant qui écarte les poussières à la façon des bobines de Helmholtz. Le micro-événement qu’il produit en surface est d’autant plus précieux que la table est démesurément grande.

La physique appliquée aux arts plastiques, voilà sans doute une des problématiques qui motivent la pratique d’Edith Dekyndt. Quel son produit le diamant d’un tourne-disque au contact d’un disque de velours (Générique + Grey Song 02) ? Comment filmer un élastique en apesanteur sans aller sur la lune (Slow Object 04) ? La physique est un moyen comme un autre pour Edith Dekyndt de trouver des solutions à des problèmes qu’on ne se pose pas. Rien d’étonnant alors à ce que l’artiste s’intéresse au générique de cinéma, symbole même de ce qu’on occulte, de ce que l’on « zappe ». Tout son travail sert donc à prendre du temps, à révéler l’invisible, ou plutôt une réalité que l’on mésestime, qu’on ne prend pas ou plus la peine de regarder.

Ces œuvres transpirent donc de ce temps, celui de la réalisation comme lorsqu’elle recolle avec la précision d’un orfèvre une bouteille en verre éclatée, ou celui de l’attente qu’elles sous-entendent. Gowanus — série de cinquante-deux clichés — est le résultat d’une attente prolongée en quête du passage d’une tache, d’un hasard qu’elle fait durer : face au canal de Brooklyn, Edith Dekyndt attend patiemment le moment où une bulle de pollution va remonter à la surface et s’étendre en une flaque huileuse et évanescente. Difficile de ne pas voir dans ce travail un possible écho aux recherches d’Agnes Pockels (physicienne anglaise du XIXe siècle) qui donna naissance à la physique des surfaces : Agnes Pockels pratiquait la physique avec les outils d’une simple ménagère, et observait, dans son évier, les taches d’huile à la surface de l’eau.

L’art d’Edith Dekyndt est à l’orée de la science et du quotidien (on retrouve des matériaux tels que le pain, les clous, les aiguilles, etc.). Il se nourrit des détails, de micro-phénomènes, de l’infime et les rend remarquables.

Edith Dekyndt
— Martial O, 2007-2009. Table cadre en acier, plateau en verre peint, moteur à pile ou secteur, poussière de métal. 90 x 200 x 90 cm.
— Blue limited 01, 1997. Projection de 80 dia.
— Slow Object 04, 1997. Vidéo projection en boucle. Durée : 6’05’’.
— Something Blue, 1996. Photographie sous diasec. 40 x 60 cm.
— Things Happen To Things (Bread and Black ink), 1995. Photographie sous diasec
34 x 58 cm.
— Usedom, 2007. Vidéo projection, durée 2’47, en boucle.
— La nuit je mens, 2009. Aluminium et tissu réflechissant. Environ 300 x 180 cm
— One Day Ellipse 01, 2009. Papier et aiguilles. 41 x 107 cm
— ½ Shadow  01, 2009. Mine de plomb sur papier. 21 x 29,7 cm
— Present Perfect, 2008. Nanogravure sur métal (clou).
— Cold explosions, 2000. Ongoing. Bottle object.
— Night in White Satin 01, 2008. Mine de plomb sur papier. 23 x 30 cm
— Interluds 05, 2001. Ongoing, photographies sur papier. 60 x 80 cm.
— Générique + Grey Song 02, 1996- 2009. Installation vidéo et son.
— Gowanus, 2008. 56 tirages jet d’encre (inkjet) sur papier dessin. 24 x 30 cm (chaque) + cadre.
— One second of silence (Part. 04, Rotterdam), 2009. Vidéo projection. Durée 20’28’’, en boucle.

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