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The Supremacist ; Icicles and Arctic T.V.s

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Pour marquer l’arrivée du printemps, Kamel Mennour a choisi la fraîcheur de deux artistes aux univers particuliers dont les œuvres ne manquent pas d’humour et de dérision. Pierre La Police, auteur culte de bandes dessinées, et Jason Glasser, artiste aux penchants écologistes, entraînent le spectateur dans un voyage au pays des incohérences et des décalages.

Incohérence, humour et absurdité. Roi incontesté de la bande dessinée, Pierre La Police invite le spectateur à goûter aux joies de l’incongru au sein de son univers inimitable avec The Supremacist, une sorte de bande-annonce pour un film improbable qui se situerait entre Citizen Kane, Bad Taste et King Kong. Il s’agit d’une série de dessins à la gouache aussi mystérieuse que leur auteur.
En effet, Pierre la Police ne souhaitant pas donner dans le culte de la personnalité, il n’existe de lui aucune biographie, aucune image; en ce sens, il est comparable à Dieu dont les bibles seraient Les Praticiens de l’Infernal, Les Mousquetaires de la Résurrection ou encore Top Télé Maximum, sources d’inspiration pour de nombreux jeunes adorateurs.

The Supremacist est une non-histoire réalisée selon une écriture automatique, une sorte de cadavre exquis, un joyeux n’importe quoi qu’il revient au spectateur de remettre en ordre selon sa propre logique. Mais à chaque confrontation visuelle, on s’égare un peu plus, on perd le fil de l’interprétation et s’embourbe dans une histoire ubuesque faute de pouvoir s’appuyer sur un systématisme salvateur. Selon Jean-Yves Jouannais «ces dessins sont des parodies de genres dépourvus de pedigree, des autopsies passionnées des multiples cadavres du burlesque, des précipités paranoïa-critiques en milieu d’idiotie».

Au sein de cette bande-annonce aléatoire, se confrontent des scènes inhabituelles et des inscriptions plus ou moins dépourvues de sens pour produire l’incohérence et l’incompréhension. Une main de reptile tend une barre chocolatée à un couple, tandis qu’un peu plus loin, sous les yeux d’un public effrayé, un gorille en cage brandit une pancarte avec un message : «Please… Believe me. I’m the result of a terrible misunderstanding.»
D’autres déclarations, comme «Je tue les gens qui ne disent pas merci» ou «We are going to do bad things but we are not bad people», mériteraient carrément de figurer en gras sur l’affiche d’un tel long-métrage invraisemblable, juste sous le titre.

The Supremacist est côtoyé par des œuvres plus paisibles et plus engagées de Jason Glasser, artiste moins branché mais tout aussi particulier, ne pratiquant pas le culte de la personnalité à l’envers. Dans Icicles and Arctic T.V.s on perçoit nettement des préoccupations écologistes: la nature sauvage de l’Antarctique, dont la figuration rappelle les croquis des géographes américains des années 1950, reflète les ravages de la présence humaine même si concrètement elle en est désertée. Tout particulièrement, les dessins de phoques, d’espadons, de baleines et de glaciers sur les pare-brises de voitures, de bus et de camions, sources du réchauffement climatique, conviendraient parfaitement à une campagne de Green Peace ou d’un autre organisme militant.

Les dessins sur papier s’attachent à mettre en exergue le spectre de l’homme. Quant à sa manie d’étendre ses activités polluantes, elle est suggérée par des détails saugrenus: une télévision parachutée au milieu du paysage enneigé, une Blanche-neige fantomatique évoluant gracieusement sur la surface glacée d’un lac, un pingouin paré d’une bouée de sauvetage rouge.
Dans chaque dessin, un élément rappelle la présence toute proche d’une civilisation en faisant sourire. Mais on ne tarde pas à ressentir une menace latente planant sur ces paysages de quiétude. Une angoisse se fait particulièrement ressentir dans les dessins comme Spectre Marin 1 et 2 où une ombre non identifiée prend forme au-dessus de l’océan, tandis qu’agonise la baleine de Yawning Whale et que les ours de Smoking Polar Bears fument comme des pompiers. Cependant, Jason Glasser évite le militantisme trop franc et de ce fait, son œuvre garde toute sa fraîcheur grâce à son esthétique efficiente, ses accents humoristiques et un certain décalage entre les différents éléments visuels.

Traducciòn española : Santiago Borja

Pierre La Police
— Série «The Supremacist», n.d. Dessin, encre sur papier.

Jason Glasser
Arctic T.V.s, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.
Chief Big Foot, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.
Spectre marin 2, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.
Balloon, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.
Glacier, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.
Snow White, série «Icicles & Arctic T.V.s», 2006. Peinture à l’huile sur verre.

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