ART | EXPO

The Sophisticated Neanderthal

01 Fév - 15 Mar 2014
Vernissage le 01 Fév 2014

Nathaniel Mellors développe un art basé sur la réalisation de films. A ces films s’ajoute un travail autour de la sculpture ou encore des photogrammes. Ses œuvres sont pleines d’humour, irrévérencieuses et absurdes parfois, poétiques souvent, bien que décalées. Elles évoquent les thèmes de la possession, de l’histoire et du pouvoir.

Nathaniel Mellors
The Sophisticated Neanderthal

Né en 1974 à Doncaster (Angleterre), Nathaniel Mellors, qui vit entre Los Angeles et Amsterdam, développe un art basé sur la réalisation de films, de l’écriture des scénarios aux tournages au cours desquels il s’entoure d’acteurs comme Patrick Kennedy ou David Birkin. A ces films s’ajoute un travail autour de la sculpture ou encore des photogrammes, comme c’est le cas dans cette exposition. Ses œuvres sont pleines d’humour, elles sont irrévérencieuses et absurdes parfois, poétiques souvent mais bien que décalées, elles évoquent les thèmes de la possession, de l’histoire et du pouvoir. En utilisant les techniques de la fiction cinématographique, il insère ses œuvres dans un contexte déterminé et ancre son propos dans une réalité sociale qu’il questionne et analyse. Il s’interroge sur nos goûts, notre morale, nos habitudes et autres idées ancrées dans notre mémoire collective.

L’exposition s’articule autour du film The Sophisticated Neanderthal; vidéo produite en collaboration avec le Commonwealth Projects et le Hammer Museum et réalisée grâce au soutien de la Fondation Mondrian. Ce film raconte la rencontre entre un jeune homme dit «d’époque contemporaine», à l’accoutrement oscillant entre grenouillère d’enfant et combinaison spatiale, prénommé Truson (un personnage existant dans un autre film de Nathaniel Mellors, Ourhouse, 2010), et un homme de Neandertal. Malgré son pseudo primitivisme, Neanderthal s’avère être plus intelligent que le jeune homme un peu naïf et se joue de lui; notamment face aux préjugés et aux attentes de ce dernier quant à l’intelligence censée être limitée de l’homme préhistorique.

Cette rencontre qui se déroule dans un lieu intemporel et dépourvu de marqueurs géographiques ou historiques a en fait été tournée près d’une grotte datant du XXe siècle, The Bronson Cave, située dans le Parc Griffith à Hollywood, Los Angeles. Ironie de l’histoire, ce lieu «préhistorique» se trouve être l’un des sites les plus utilisés par l’industrie du cinéma pour y tourner des westerns ou séries télé, mais aussi comme le lieu de la mythique Batcave de l’homme chauve-souris, un autre personnage archétypal hybride auquel s’intéresse Nathaniel Mellors.

Mais derrière cette idée d’Eden se cache la volonté de Nathaniel Mellors d’établir une sorte de métaphore entre d’un côté l’immuabilité, l’aspect figé et éternel d’un lieu et de l’autre le glissement qui s’opère d’une époque vers l’autre; de celle des chasseurs-cueilleurs nomades, on passe à une société moderne sédentaire basée sur la possession de biens autant terrestres que matériels. Neandertal devient symbole de ces mondes, il est à la fois la représentation poétique de ce qui a été, et en même temps celle d’un être 2.0 qui va peu à peu transformer sa caverne en lieu envahi par la technologie et le bruit créant une sorte d’antre de la Haute définition.

Au cours de sa conversation avec le jeune homme, on apprend que la grotte de Neandertal est régie par une sorte d’organisation nommée Sporgo, qu’il décrit comme étant une sorte d’infrastructure possédant les grottes et contrôlant l’art qui s’y développe. Nathaniel Mellors aborde avec ironie la question de l’émergence de l’art en tant que marqueur de la conscience humaine et l’idée que l’art et la religion font partie intégrante du cerveau humain. Ce film s’interroge aussi sur cette idée qui a perduré pendant des siècles, comme quoi l’homme de Neandertal était incapable de produire de l’art ou de construire une pensée dite éclairée à l’inverse de son contemporain, Homo Sapiens, qui lui a survécu et a donné naissance aux hommes actuels.

Nathaniel Mellors essaime des indices visuels qui deviennent des clefs pour appréhender son travail. Prenons l’exemple du buste de William Shakespeare que possède Neandertal; cette utilisation certes fictionnelle et absurde repose sur un questionnement autour de la possession, de l’histoire des relations entre le pouvoir et les classes sociales. Loin de son statut initial d’écrivain populiste, Shakespeare est devenu, sous la houlette d’une pensée bourgeoise, une sorte d’archétype de la connaissance et de l’éducation ou comment citer le monologue d’Hamlet et être considéré comme érudit. Le fait que Neandertal possède un buste de Shakespeare crée une sorte d’anomalie poétique et ironique qui résonne comme un acte davantage ante-historique qu’anti-historique. Neandertal a sa façon possède un morceau de cette signification systématique.

Dans cette leçon d’humanisme, à mi-chemin entre trip initiatique et lavage de cerveau, on peut penser que l’homme voulant maîtriser le réel, les personnes, le passé devient ipso-facto possédé par lui-même. L’ère contemporaine se vide peu à peu, comme un cerveau aspiré à la paille, elle s’euthanasie avec des armes et des idéaux qu’elle a elle même crée.

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