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The Secessions Sessions

09 Jan - 08 Mar 2014
Vernissage le 08 Jan 2014

«The Secession Sessions» consistent en une série d’invitations, initiées par l’artiste Eric Baudelaire, afin d’interroger la nature fictionnelle de la construction d’une nation —  à travers l’histoire particulière de l’État sans État qu’est l’Abkhazie, dont Maxim Gvinjia est l’ancien Ministre des Affaires étrangères.

Eric Baudelaire, Maxim Gvinjia
The Secessions Sessions

L’Abkhazie est un paradoxe: un pays au sens physique du terme, avec ses frontières, son gouvernement, son drapeau et sa langue, mais un État qui n’existe pas légalement puisque pendant près de vingt ans aucune autre nation ne l’a reconnu. L’Abkhazie existe donc sans exister, dans un vide liminal, un espace limite entre des réalités. À ce titre, ma lettre à Max était un peu comme une bouteille à la mer.

Comment l’État se construit-il? Est-ce que l’État inclut ou exclut? Selon quels critères un État peut-il être considéré comme existant? Et quelles formes de représentations confèrent du réel à l’État? Si tous les États s’érigent à travers des fictions collectives, quid de l’Abkhazie: une fiction dans la fiction?

L’Abkhazie est née d’une guerre de sécession en Géorgie, dans le Caucase, en 1992-1993. Comme tout territoire contesté, l’Abkhazie existe dans un nœud de récits contradictoires. Les géorgiens voient en cet État sécessionniste un régime illégitime qui les a spolié de leurs terres. En déclarant leur indépendance, les Abkhazes estiment avoir sauvé une culture nationale menacée d’extinction par la répression stalinienne et la domination géorgienne. Pour certains observateurs, l’Abkhazie n’est qu’un pion du Grand Jeu que la Russie et l’Occident jouent depuis des siècles en Transcaucasie.

«The Secession Sessions» prend acte de ces narrations contradictoires sans chercher à écrire une impossible historiographie objective. Le projet ne discrédite, ni ne vérifie, ni ne documente aucune de ces revendications. Il s’appuie sur une observation: la sécession a eu lieu, l’Abkhazie a une existence territoriale et humaine depuis vingt ans, et pourtant selon toute vraisemblance, elle restera dans les limbes encore longtemps. Un État sans État — nos schémas politiques ne peuvent inclure un tel objet. Cela vaut donc la peine qu’on s’y attarde. Si dans cette abstraction l’Abkhazie demeure un laboratoire d’expérimentation pour la naissance d’une nation, ses Garibaldi et George Washington sont encore vivants et actifs. Maxim Gvinjia est l’un d’entre eux.

C’est de Paris que j’ai posté une lettre destinée à Max. J’étais sûr que cette lettre-là, avec son adresse improbable — Max Gvinjia, ex-Ministre des Affaires étrangères, Sukhum, République d’Abkhazie — n’arriverait jamais et serait retournée à mon atelier avec la mention «destination inconnue». Pourtant, à mon étonnement, je lisais dix semaines plus tard un email en réponse à mon courrier: Max avait bien reçu ma lettre, il ne pouvait pas y répondre, la poste en Abkhazie ne traitait pas l’international. Se posait alors la question : pourquoi ma lettre était-elle parvenue jusqu’à lui?

Eric Baudelaire

«The Secession Sessions» sont conçues comme une série d’invitations, initiées par l’artiste Eric Baudelaire, afin d’interroger la nature fictionnelle de la construction d’une nation à travers l’histoire particulière de l’État sans État qu’est l’Abkhazie. Elles se composent de plusieurs éléments: l’ouverture de l’Anambassade de la République Abkhaze à Bétonsalon, par Maxim Gvinjia, ancien Ministre des Affaires étrangères d’Abkhazie; la projection quotidienne du film Lost Letters to Max, issu de l’échange épistolaire entre un artiste et un ministre; et un programme de rencontres et de discussions avec des chercheurs, des penseurs et des artistes afin d’explorer les enjeux contenus dans «The Secession Sessions».

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