DESIGN | CRITIQUE

The Poetics of Miscegenation

PMarine Drouin
@14 Avr 2010

Surprenante découverte à la Fat galerie, Rodrigo Almeida est un jeune designer brésilien à la création intuitive quant à la réalité de son métissage. Un brésilien typique est portugais, brésilien, indien et afro-brésilien... une culture mêlée qu’il se propose d’observer de l’intérieur en sondant les objets de son environnement et leur relation intime avec ces multiples influences.

«The Poetics of Miscegenation» célèbre le faire et les inspirations croisées entre différents artisanats, leurs matériaux, les formes et les fonctions. Et bien que la vitrine de l’exposition solaire de Rodrigo Almeida invite à la couleur et à la multiplicité, il faudrait en commencer le parcours par la salle du sous-sol, assombrie pour les besoins d’une vidéo expressionniste.

Butterflies in the Dark Forest met en scène la maquette d’un mobile à la fabrication composite, un éclairage extérieur qui fonctionne à l’énergie solaire. Complexe et miniature, ce projet concentre une esthétique atmosphérique: il confond les échelles et joue sur les effets de lumière de ses feuilles réfléchissantes, le tout sur une bande son arythmique et intrigante.

Né d’une recherche plastique émotionnelle, ce produit est écologique mais ne relève pas d’un marketing vert. Rodrigo Almeida ne fait pas cas de son respect pour la planète. Certes, sa démarche est familière de la notion de recyclage, comme dans cette chaise conçue à partir de bouteilles compressées, mais son ambition n’est pas strictement environnementale.

En témoigne la Gorilla Lamp, fabriquée à partir de baskets et d’une poupée de King-Kong… Et sur certains fauteuils hétéroclites, il utilise aussi le textile argenté de ces chaussures de sport. Rodrigo Almeida aime probablement les univers hybrides de la science-fiction pour leur espace-temps recomposé, et les baskets par goût des cultures urbaines: il vit à Sao Paulo, ville chaotique à la mixité sociale agglomérée. Tout comme les frères Campana, qui ont la même passion pour des matériaux souvent pauvres et réhabilités en des pièces luxuriantes par un renversement de valeurs. On retrouve cette idée d’agglomération chez Rodrigo Almeida, lorsqu’il consolide avec nombre de morceaux de toile et de bois sa chaise Ripa, dont le titre célèbre cette pièce de construction d’une maison.

Ce designer brésilien entend donc l’écologie en termes culturels: le langage de son habitation est celui du métissage. Il pense la mixité dans l’objet en associant l’esthétique à l’usage, les codes couleurs à ceux des rites. Devant son Africa Chair, faite de cordes enroulées sur une structure d’assise, il assure éveiller une sensation africaine sans produire une chaise à la manière africaine: «le rythme et le design de l’objet nous rappellent l’influence de la culture africaine du Brésil ».

Sa création est plus sensible qu’intelligible, en hommage aux réflexions d’Andrea Branzi qu’il cite pour la vitalité de ses formes poreuses, ouvertes aux complexités de la société contemporaine.

On découvre comment Rodrigo Almeida établit une connexion avec l’objet lorqu’il nous présente un Cocar, ornement cérémonial qu’une tribu d’Amazonie a fabriqué avec des pailles de couleurs par pénurie de plumes. Ce pragmatisme illustre selon lui « la pensée constructive et esthétique du design contemporain brésilien ». Ainsi les accoudoirs-anses d’un de ses fauteuils à usage nomade, ou la Sequin Table dont le plateau est déjà composé d’assiettes modulaires. Le caractère indécidable des éléments qui composent son mobilier de bric et de broc rejoint l’imperfection que Rodrigo Almeida considère comme celle d’«une culture en formation».

Parmi ces meubles mixtes et autres lampes aux bras de gorille, la Toquiho Coffee Table, constituée d’un seul bois, dénote et fait lien. Sur cette table basse sont collées des chutes de teck formant un paysage abstrait. On y lit le mélange de rationalité et d’émotion de Rodrigo Almeida, son positionnement différencié à l’égard des cultures brésilienne et mondiale. De la table au territoire, le designer nous invite au coeur d’une construction à la fois intuitive et à l’écoute. Il définit ses dernières pièces comme « le produit d’une révision culturelle atavique, d’un langage plus mûr ».

Rodrigo Almeida
— Gorilla Lamp, 2009-2010. Matériaux composites, baskets.
— Africa Chair, 2009-2010. Matériaux composites, cordes de différentes couleurs.
— Sequin Table, 2009. Wood, plastic, fabric.
— Toquinho Coffee Table, 2009. Teck.
— Concreta Chair, 2009. MDF, fabric and rape.
— Oca Magazine Rack, 2009.

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