ART | CRITIQUE

The Holy Flag

PSarah Ihler-Meyer
@06 Mai 2009

Comme à son habitude, Martin Le Chevallier réalise avec The Holy Flag une œuvre à l’humour corrosif. Des mises en scènes insolites, où le sacré se mêle au grotesque, interrogent la prétendue laïcité de l’Union européenne.

L’ouïe est le premier sens sollicité par The Holy Flag. Une musique aux accents religieux envahit l’espace de la galerie. Difficile à identifier, cet air est l’Hymne à la joie de l’Union européenne. Évoquant les idéaux de liberté, de solidarité et de paix, ce thème fait étrangement penser aux chants religieux.

Une châsse-reliquaire est installée dans l’espace sombre de la galerie, à cette occasion transformée en catacombe. Elle contient le drapeau de l’Union européenne. Au centre du cercle étoilé le visage d’un homme barbu apparaît: tel le linceul du Christ, cet étendard semble révéler la figure divine.

Plus loin, une photographie montre un homme de dos, les bras levés au-dessus de la tête en signe de vénération. Face à lui ce même drapeau sort de l’un des tiroirs d’une commode.

Enfin une vidéo-projection retrace le parcours de la châsse-reliquaire depuis Rennes jusqu’à Bruxelles devant le siège de l’Union européenne.  La bande-son n’est autre que L’Hymne à la joie précédemment mentionné. Ainsi, accompagné de cet air lyrique à souhait, ce trajet prend des allures d’épopée, sinon de croisade. L’écart entre la musique et l’action représentée, conjugué aux décors du «plat pays», mène évidemment au grotesque.

On l’aura compris, en rapprochant les symboles de l’Union européenne de ceux de la chrétienté, Martin Le Chevallier interroge de manière humoristique la prétendue laïcité de cette coalition. La petite histoire veut qu’il ait trouvé chez lui un drapeau modifié par la présence inattendue du Christ. A la suite de quoi, convaincu qu’il s’agissait d’un message divin adressé à l’Europe, il aurait décidé d’amener cet étendard au siège de l’Union européenne. Ce récit fait bien entendu partie du dispositif mis en œuvre par l’artiste.

Plusieurs faits justifient les suspicions de Martin Le Chevallier à l’égard de la laïcité de l’Union européenne.
Lorsqu’en 1972 le Conseil de l’Europe choisit L’Ode à la joie de Beethoven pour en faire son hymne, il fait le choix d’une musique elle-même inspirée d’une œuvre pour le moins mystique, L’Ode à la joie de Schiller.
Par ailleurs, en 2007 à Lisbonne, un traité faisant référence à la nature chrétienne de l’Europe est signé par la majorité des Etats membres.

Sous des apparences légères et drolatiques, The Holy Flag de Martin Le Chevallier est une œuvre polémique. Hélas, l’écueil de l’art politique n’est pas loin: structurée sur le modèle linguistique — signifiant / signifié —, cette œuvre se résume à un simple message.

Martin le Chevallier
— L’Apparition, 2009. Photographie numérique. couleur. 48 x 47 cm.
— Holy Journey, 2009. Vidéo. 2 mn.
— Holy Box, 2009. Technique mixte. Dimensions variables.

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