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The Evil Empire

Retraçons, pour commencer, le scénario d’Evil Empire. La scène se passe en 2046 dans la cité du Vatican. La Basilique Saint-Pierre, naguère haut lieu de la chrétienté, est devenue un gigantesque lupanar. Entouré par ses fidèles, le pape s’agite sur son fauteuil et semble pris de convulsions. Est-ce ses mains expertes qui le font jouir ou bien les images de son armée qui défilent sur son écran ? Une chose est sûre : tout le monde s’en moque.

Mais que les fidèles du Christ se rassurent. Même si le sexe ici a remplacé la prière il reste une forme de dévotion. Élevé au rang d’idole, il est devenu l’emblème d’un nouveau monde où l’obscénité n’a plus sa place. Parodiant l’heure du Jugement dernier, où tous nos péchés referont surface, le Vatic-anal assume sans honte sa soif de stupre et de violence. Et là encore : tout le monde applaudit et en redemande. Les prêtres comme les nonnes.

Mais dans les arcanes de la basilique, un rituels plus sombre s’officie. Reprenant de manière allusive son travail sur Rocco Siffredi, Federico Solmi invente pour l’occasion une nouvelle «machine à baiser» dans laquelle Rocco est remplacé par le pape, et les femmes par les agneaux de Dieu.

La chose est révoltante mais reste pourtant dans l’ordre pour des hommes qui se contentent d’être des bêtes et d’usurper le nom de Dieu. Comme l’exprime si bien Kierkegaard : «Toute cette vieille bicoque d’Église d’État, où de temps immémorial on n’a pas renouvelé l’atmosphère spirituelle est empestée; le poison a pris de la virulence dans cet air renfermé. Aussi la vie religieuse est-elle anémiée, sinon éteinte» (S. Kierkegaard, L’Instant, n°4)

Quoi de plus normal alors que la course orgiaque de notre héros papal se termine aux enfers. Et quoi de plus normal aussi qu’il ne s’étonne nullement de se retrouver là.
Armé d’un gourdin noir, il trucide ses codétenues et s’enfuit avec facilité par un tunnel de flammes. Mais ce qui l’attend à la sortie n’est qu’un piètre jeu de foire où le bras armé de Dieu exécute enfin sa volonté : «Que revienne le sérieux, que finisse la comédie — car un christianisme prêché par des fonctionnaires du roi, payé et protégé par l’État, usant de la police contre autrui, un pareil christianisme est à celui du Nouveau Testament ce que la nage à l’aide de liège et de vessie est à la nage véritable, un jeu» (Idem)

Federico Solmi
— The Evil Empire, 2007. Dessins et peintures sur papier contrecollé sur bois. 20 x 25,5 cm
— The Evil Empire, 2007-2008. Vidéo. 4 mn 15ea