ART | CRITIQUE

The Emmaüs Bride

PNicolas Villodre
@29 Nov 2008

Les toiles, grisonnantes, argentées, quinconciales, tramées, diversement motivées, pas bien variées, répétitives, au design de papiers peints floraux, grillagées, ramagées, spectaculairement formatées, portent un titre en franglais: The Emmaüs Bride.

Quand on ouvre la porte de la galerie Blanche, on est irrité par l’odeur piquante de peinture, donc pas seulement par celle de sainteté, qui émane des toiles de Thomas Fougeirol. Une sorte de componction ou d’onction, sport de l’extrême pratiqué par les curés de campagne d’antan… Les recettes des artisans-peintres d’alors mêlaient pigments d’Espelette et ingrédients à base d’huile, de tempera, de tempura et, aussi, parfois, d’eau de boudin.

Celles de nos graffitistes contemporains, armés de bombes aérosols bourrées de chimies douteuses, lacrymogènes, toxiques, se présentent comme des mixtures redoutables qui ont déjà perforé plusieurs couches d’ozone.

Le personnel de la galerie a trouvé refuge dans un bureau faisant «office» de caisson d’oxygène d’où il ne ressortira que lorsque viendra le temps du décrochage.

Les toiles, grisonnantes, argentées, quinconciales, tramées, diversement motivées, pas bien variées, répétitives, au design de papiers peints floraux, grillagées, ramagées, spectaculairement formatées, portent un titre en franglais: The Emmaüs Bride.

Des sels argentiques de l’émulsion photographique aux couches argentées odoriférantes pulvérisées à distance, il n’y a qu’un pas que le peintre affranchi a franchi.

La technique du simulacre de ce Thomas Imposteur prouve que l’artiste a réfléchi à la question du miroir aux alouettes de son temps. Il a opté, cette fois-ci, en tout cas, pour la moindre défiguration du sujet. Et a limité la casse en mettant à plat l’objet comme pour mieux le servir. Il le «valorise» en effet de fait en le désaturant.

La perte de l’innocence de la couleur profite au crime de lèse majesté du noir et blanc. La gamme de gris obtenue ne cherche même pas à camoufler, soit dit en passant, la couche d’apprêt coloré dont il reste quelque trace de-ci delà, côté face du tableau, côté pile et même parfois sur la tranche.

A la manière des artistes «op» des années soixante, Thomas Fougeirol joue avec les trames sans en faire des drames. Sans détonner. Ses empreintes et ses formes abstraites du réel constituent le point de départ et d’arrivée de son travail, lui servent de prétexte et de texte, sont le message, le médium, le tissu et sa toile de fond.

En recyclant les rideaux et les draps achetés non loin de la rue Weiss, dans un des refuges de SDF du XIIIe arrondissement, en les imprimant avec une technique proche de celle des pochoiristes, en les momifiant, les pétrifiant et les fétichisant comme s’il s’agissait d’une série de voiles de Turin, Thomas Fougeirol fait du neuf avec du vieux. L’art du recyclage, de la récupération, on commence à connaître. C’était déjà celui de Schwitters. Comme lui, Thomas Fougeirol fait aussi dans le Kommerz équitable.

Thomas Fougeirol

— Untitled, 2008. Oil and acrylic on canvas. 250 x 366 cm.

— Untitled, 2008. Oil and acrylic on canvas. 45 x 38 cm.
— Untitled, 2008. Oil and acrylic on canvas. 45 x 38 cm.

— Untitled, 2008. Oil and acrylic on canvas. 35 x 27 cm.

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