ART

The Crack-Up

PNicolas Villodre
@23 Mar 2009

L’exposition The Crack-Up de Mai-Thu Perret occupe les deux espaces de la galerie. Le titre fitzgeraldien se réfère à l’état de crise dans laquelle se trouve l’art contemporain. C’est celle du monde dans son ensemble...

Tout commence en 1999 par une utopie communautaire, une famille fictive que la peintre a imaginée et adoptée. Un groupe féminin/féministe réfugié dans un no man’s land du Nouveau Mexique ayant pour nom «New Ponderosa»…
Les pièces exhibées résultent en principe des cogitations et des activités que sont supposées avoir ces femmes à l’écart de notre monde et de notre mode vie, dont l’artiste se fait humblement l’interprète. Et auxquelles elle sert tantôt d’agent artistique, tantôt de nécromancienne.

La production de Mai-Thu Perret relève, théoriquement, de l’artisanat. Au départ, ce n’est pas de l’art. Les objets résultent directement d’un travail en série, d’une fabrication à petite échelle. La patte du créateur ne doit pas être apparente. L’anonymat de cette petite société idéale, matriarcale, paradisiaque, est un parti pris qui rappelle celui de l’indifférenciation affichée par Dada (pour Hans Arp l’activité picturale était équivalente à celle de «repasser des mouchoirs»), qui vise à l’élimination de l’ego, un peu comme le préconise le bouddhisme Zen. On peut penser aux œuvres commandées par téléphone par des artistes du Bauhaus tels que Moholy-Nagy.

On est dans le revival, dans le «new age», la nostalgie du bon vieux temps des cathédrales dont on ne connaîtra probablement jamais, tant pis ou tant mieux, les auteurs. Au lieu d’être un handicap, la peinture ainsi dépersonnalisée peut être vue comme une preuve de sagesse, comme un gage ou un signe de maturité dans une réflexion plus générale sur le statut de l’œuvre d’art moderne.

Les grandes toiles verticales sont donc des tapisseries abstraites, de près de deux mètres et demi de haut, aux motifs symétriques de taches imprimées à l’acrylique comme celles que proposent les tests de Rorschach. L’artiste cherche aussi à arrondir les angles: les bords de la toile sont légèrement émoussés.

Ne comptent pour Mai-Thu Perret ni le nom, ni la marque de fabrique, encore moins la difficulté d’exécution de l’œuvre. Le travail de l’artiste s’affranchit de ces règles, de ces us et coutumes, de ces contraintes qui définissaient jusqu’à, disons Duchamp, le métier d’artiste.

Et, à l’évidence, le résultat est convaincant. Satisfaisant. Bien entendu, on reste dans l’art déco, dans l’utilitaire, dans l’ornement. Mais on ne regrette pas le déplacement.

Le premier tapis mural est en relief — le relief d’un semblant de pique-nique comme ceux des toiles impressionnistes. On a naturalisé pour la bonne cause, pour la beauté du geste, cinq homards, à tout jamais momifiés, fixés sur la toile à l’aide d’un pistolet à colle thermosfusible.

Les tapis pendus aux cimaises présentent donc des taches brunes sur fond bleu, vertes sur fond rouge, noires sur fond rose. On a de petits formats également, comme cette composition avec quatre disques gris sur fond noir. Et des volumes aux illusions rétiniennes qui font un peu Op’art. Des parallélépipèdes et des polyèdres recouverts de damiers gris et pourpre. Sans parler des trois sphères grises en béton désarmé posées à même le sol de la galerie de la rue Delavallade.

Le titre fitzgeraldien se réfère à l’état de crise dans laquelle se trouve l’art contemporain. C’est celle du monde dans son ensemble…

Mai Thu Perret
—  The Crack-Up I, 2009. acrylic on carpet mounted on board. 248 x 188 cm
— The Crack-Up II, 2009. acrylic on carpet mounted on board. 248 x 188 cm
— The Crack-Up III, 2009. phosphorescent acrylic on carpet mounted on board. 248 x 188 cm
— The Crack-Up IV, 2009. acrylic on carpet mounted on board. 248 x 188 cm
— Vorpal and Tumtum, 2008. MDF and cotton fabric. 175 x 96 x 70 cm
— Drain and Society is a Hole, 2009. silkscreen. 84 x 59.5 cm chacun

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