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The Colors Are Bright

PPierre-Évariste Douaire
@01 Avr 2010

Peter Coffin pourrait reprendre la phrase de Picasso «Je ne cherche pas, je trouve». Le jeune artiste new-yorkais est un expérimentateur. Après Goethe et Newton il s’intéresse à la lumière et à ses effets. Il la décompose ou la recompose au gré des machines électroniques qu’il utilise. Exposition monumentale et dense, The Colors are Bright, se hisse en tête des événements de l’année. A voir de toute urgence.

Peter Coffin est un expérimentateur. Ses expositions sont toujours l’occasion d’ouvrir de nouvelles pistes. Il profite de ses nombreuses invitations pour remettre sur l’établi son ouvrage. Ne s’enfermant dans aucun style, il ne s’interdit aucune direction. L’éventail de son talent est aussi large que le spectre coloré qu’il interroge sans cesse. Il mélange les genres sans brouiller les cartes et avance d’un pas sûr. Il ne tergiverse pas mais propose et dispose.

Si aucun style ne le corsette, il met un point d’honneur à présenter des objets, des propositions, des attitudes ou des dispositifs aboutis. Il s’entoure de spécialistes, de programmeurs, de compétences absolues pour être certain d’obtenir des résultats dérisoires, minuscules.
Il renverse l’adage «pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué». Il entreprend le montage de lourds mécanismes, de longs processus pour provoquer, déclencher, un phénomène élémentaire: une table qui roule, un feu de cheminée, un décor de discothèque, des tableaux qui s’illuminent, une plante qui écoute de la musique, un ballon qui s’envole.

Prenez un vidéo-projecteur doté de trois objectifs colorés — rouge, vert, bleu — et séparez les trois faisceaux pour les obliger à balayer le mur sombre. Vous obtenez trois pastilles qui dansent, s’évitent, se rencontrent, se mélangent et fusionnent pour créer une nouvelle couleur.
Monsieur bleu et madame rouge accoucheront, pour un bref instant, d’une petite éclipse de violet. Le jaune disparaîtra quand s’écarteront le vert et le bleu.
Simple et lumineux. Léger et aérien. Programmatique et fantomatique. Pour orchestrer ce ballet aux trois solistes, il aura fallu bidouiller le projecteur, mélanger les faisceaux, «cracker» le programme, dénaturer ce phare de la technologie, dépouiller ce cyclope, transformer cette vigie en compas déboussolé, cette ligne directrice en points scintillants et chancelants. Simple ondulation lumineuse? Simple tour de passe-passe? Non, plutôt l’illustration de la diffraction de la lumière théorisée par Newton.

Voilà comment ce jeune artiste de trente huit ans travaille. Une idée, une envie, et tout de suite après, le besoin de la réaliser d’une manière ou d’une autre. La poésie et la légèreté font le reste. Expérimentateur, il n’en reste pas moins pédagogue. Il nous montre le dessous des cartes. Champagne Pyramid est une table qui circule automatiquement dans toute la galerie. Une montagne de verre la surmonte tandis qu’un moteur caché sous ses voiles permet à l’ensemble de se déplacer. CQFD.

«The Colors are Bright» est une mise en scène complète. Les trois pièces de la galerie constituent trois espaces qui déroulent une même thématique tournée autour de la lumière. Qu’il s’agisse de néons blanc entrelacés, Neon Knot, accrochés au mur, tels de nœuds de Möbius, ou de ce feu vidéoprojeté, mais ralenti trente trois fois, le spectre lumineux est interrogé, divisé ou reconstitué. L’approche est autant scientifique qu’artistique.

La dernière salle propose un karaoké sur fond de piste lumineuse. Les reproductions des tableaux modernes du Centre Pompidou jouent à cache-cache avec les sons et les images. Un Mondrian se transforme en dancefloor. Electrisé par une musique à la Pierre Henry, il s’illumine par touche et par plan. Les rectangles de lumière se superposent sur les parties peintes. La toile se transforme en clavier électronique, en tableau de bord de l’USS Entreprise, digne vaisseau amiral de Star Trek.

A travers une proposition souriante et une machinerie toute puissante, Peter Coffin gagne son pari et parvient à interroger notre savoir sur la culture et sur ce que l’on croyait connaître. Après Goethe et Newton, et à la suite de Olafur Eliasson, il écrit une partition personnelle sur les effets du soleil. En bon coloriste et en nightcluber avisé, il détourne les boules à disco des dancings pour en faire des instruments scientifiques et ludiques. Pour s’en rendre compte et pour le croire, il faut obligatoirement se déplacer. Expérience unique.

Liste des œuvres
— Peter Coffin, Untitled (Neon Knot 5_3), 2010. Neon. 53 x 56 x 19 cm
— Peter Coffin, Untitled (Sculpture Silhouette suite 2), 2010. 13 Silhouettes de Sculptures en métal poli, socle. 120 x 121 x 213 cm
— Peter Coffin, Untitled (J. Beuys Fat Chair), 2010. Aluminium peint, 280 x 145 cm. Sculpture Silhouette (Bruce Nauman “Model for Trench Shaft and Tunnel” 1978) », 2010. Aluminium peint, 223,5 x 221 cm
— Peter Coffin, Untitled (Sculpture Silhouette), 2010. 39 Silhouettes de Sculptures en métal poli, socle. 120 x 121 x 213 cm
— Peter Coffin, Untitled (Hollow Log with Model of the Universe), 2010. Tronc d’arbre, spots multicolored. 80 cm diameter x 130 cm

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