ART | EVENEMENT

Terraforming

26 Mai - 26 Mai 2007

Stéphane Sautour allie une virtuosité plastique certaine, à une implacable connaissance de l’image et de ses mécanismes de fonctionnement. Son travail construit un univers inquiétant qui place le spectateur dans un entre-deux indéfinissable.

Terraforming de Stéphane Sautour

Stéphane Sautour allie une virtuosité plastique certaine, à une implacable connaissance de l’image et de ses mécanismes de fonctionnement. Son travail construit un univers inquiétant qui place le spectateur dans un entre-deux indéfinissable. Influencé par la pensée de Bernard Stiegler, Isabelle Stengers ou encore Bernadette Bensaude-Vincent, il pose les jalons d’une réflexion critique sur la place de l’Homme dans l’univers technologique. «Terraforming» est la première exposition personnelle de l’artiste dans un centre d’art contemporain d’Ile-de-France. Le titre de l’exposition est la traduction anglaise de la «terraformation», processus d’ingénierie planétaire visant à améliorer les conditions d’apparition de la vie sur les planètes extraterrestres dans l’optique utopiste d’en rendre certaines habitables par l’Homme. Infiltration. Contamination. Hybridation.

Stéphane Sautour évide les formes, désinvestit l’intime, mais réinjecte de l’affect dans l’automatisme, brouillant tous les repères. En 2001, il réalise entre autres, Go, jeu de stratégie sur ordinateur dont le spectateur devient un pion en pénétrant dans l’espace d’exposition, et Tank, CD-Rom permettant de constituer des lettres de motivation à partir d’un simple clic de souris. Fight Club (2002) est emblématique de ces allers-retours, entre robotisation et humanisation. Deux robots-chiens Aibo de Sony, programmés pour s’entrechoquer, semblent se livrer un combat sans merci ; de temps en temps, perdant de vue leur cible, ils s’arrêtent. Bien que l’affrontement soit en réalité purement mécanique, le spectateur ne peut s’empêcher de projeter des interprétations anthropomorphistes.

Pour l’Ecole municipale des beaux-arts/galerie Edouard Manet, Stéphane Sautour prépare plusieurs projets inédits dont Idoru, ensemble de pièces construisant une étrange fiction. Concue pour l’espace de la galerie, une réduction en marqueterie du Northtrop B-2 Spirit, célèbre avion furtif américain, s’extrait du sol en parquet dont elle a pris l’apparence. Le bombardier, figure d’une extrême sophistication de l’armement, revêt ici un caractère extrêmement précieux. Dans le même temps, et selon le principe du bio-mimétisme utilisé dans l’industrie, il se charge d’une certaine organicité due au matériau utilisé – le bois –, ainsi qu’au voisinage des aquarelles où il apparaît comme une méduse, ou une sole tapie dans les fonds sous-marins.

Les séries d’aquarelles exposées parallèlement esquissent le synopsis d’un énigmatique récit. Les images se donnent comme des fragments indiciels d’un storyboard inachevé. Le récit demeure ouvert, la combinatoire cède la place à l’imagination. Ici, un containeur, là une constellation. L’intérieur d’un cockpit, un objet qui implose. Sombres et lumineuses à la fois, ces aquarelles nous plongent dans l’univers de la traque et du secret où les visages humains sont gommés, et la machine omniprésente. Le titre Idoru renvoie quant à lui au roman cyberpunk éponyme de William Gibson (1996) où, dans un Tokyo post-apocalyptique, le chanteur d’un groupe de Rock ultra populaire défraye la chronique en épousant une créature totalement virtuelle prénommée Idoru.

L’installation Mood clôt le parcours. Une cloison de verre transparent empêche l’accès à la dernière salle de l’exposition. Lorsque le visiteur s’en approche et souffle dessus, le mot «murderer» («assassin» en Anglais) apparaît furtivement sur la vitre, puis disparaît. Totalement invisible à l’oeil nu, l’inscription se révèle grâce à la réaction chimique produite par la condensation sur le verre spécialement traité. Ce seuil paradoxal et fantomatique condamne le spectateur à observer la pièce vide se charger de mystère, à mesure que la référence hitchcockienne imprègne son imagination.

Si la littérature de science-fiction croise en filigrane le cinéma fantastique et la réalité de l’armement américain, les codes sont déjoués, rejoués. La référence laisse place à la réminiscence et aux déformations inconscientes de l’esprit. Les œuvres de Stéphane Sautour soulignent l’importance de l’image dans nos comportements, ainsi que dans les projections sur lesquelles s’établissent nos interprétations des faits.

> Exposition présentée dans le cadre d’«Hospitalités».

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