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Temps de chien

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Face à l’exposition «Temps de chien» de Pierre Ardouvin : ou on rit du décalage permanent, de ce pied de nez absurde et loufoque envoyé dans les gencives de la fresque historique ; ou alors on est submergé par la facilité du message et le subversif bon teint de l’installation.

Le sujet de Pierre Ardouvin est louable. Son postulat encore plus: Temps de chien rend hommage à Eugène Pottier l’illustre auteur de L’Internationale. A travers quatre pièces réparties dans l’ensemble de la galerie, Pierre Ardouvin fait le constat mélancolique de la résurgence, sinon de la permanence, des conflits qui ont présidé à la naissance du texte en 1871, l’année de la Commune.

Séquence politique majeure, la Commune est aussi un conflit de classe et la naissance d’une conscience démocratique collective, qui elle-même permettra l’éclosion, quelques années plus tard, de la pensée socialiste. L’histoire est riche en la matière. Lui donner une actualité n’est pas surprenant en soi, bien que les termes de la lutte aient quelque peu évolué. La subordonner à un acte artistique ne l’est pas plus, l’histoire de l’art est émaillée de situations qui l’ont fait croiser la réalité politique.

Ce qui surprend, c’est son traitement. On est accueilli par de stridentes lumières de fête foraine, installées de chaque côté de l’entrée. Plus loin, un bonhomme de neige un peu pataud commence à s’affaisser sous la chaleur alors que devant lui se joue l’air de L’Internationale depuis une modeste boîte à musique. Sur le mur du fond, une photographie grossièrement reprise par l’artiste figure un chien assis sous la pluie ainsi que l’inscription «Temps de chien». La boucle est donc bouclée et le message, pour symbolique qu’il soit, passé: le spectaculaire et le merchandising à outrance ont fini par absorber la portée poétique et révolutionnaire du texte de Pottier. L’égalité et la justice sociale réclamées dans les rues parisiennes du XIXe siècle reste au mieux une utopie, au pire ont beaucoup vieilli.

Il fait toujours un temps de chien nous dit Pierre Ardouvin, reproduisant par là le schéma lénifiant de l’abattement général. Il y a bien entendu de l’humour dans son désenchantement, un sourire un peu vain qui vient malicieusement ponctuer chaque pièce. Mais il est gelé par ce constat raide et sans appel que l’artiste ne fait que relayer.

Pierre Ardouvin
— Bonhomme de neige, 2007. Résine, carotte, navet. 160 x 167 x 177 cm.
— Eclair, 2007. Système électrique, ampoules. 500 x 223 x 10 cm.
— Le refrain, 2007. Boite à musique, bois. 10 x 12 x 14 cm.
— Temps de chien, 2007. Tirage lambda contrecollé sur aluminum. 59 x 43 cm.

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