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Tapis volant

PSilvia Cazacu
@12 Jan 2008

Un énorme empilement de plusieurs centaines de boites en bois : chacune renferme une petite sculpture, l’une contient une maquette de l’atelier de l’artiste, toutes sont répertoriées dans une base de données consultable sur un ordinateur. Installation et sculpture, visible et tactile, les images et les choses, contenu et contenant, etc.

D’abord, une boîte contenant l’atelier de l’artiste, accessible au seul regard à travers un petit trou, éclairé d’une lanterne. Une réplique de l’atelier avec des sculptures de petite taille. Tout est déplacé, diminué, dupliqué, pensé à cette échelle. La maquette devient un champ de travail et d’expérimentation. Puis un ordinateur, sur lequel on peut consulter le site de l’artiste, offre une autre ouverture sur son atelier et ses recherches plastiques. Scruter et consulter. En navigant, on découvre des fichiers virtuels: des vues et des références d’œuvres. Enfin, tout autour de l’ordinateur — dessus, dessous, derrière, sur les côtés — des boites en bois soigneusement rangées en un immense empilement renferment chacune des sculptures, des objets: des œuvres. On accède à ces œuvres directement en ouvrant les boites une à une, ou à partir des références délivrées par le site internet. Du contenant au contenu, ou de l’image à la chose: le passage s’ouvre sur l’imaginaire…

Chez Konrad Loder, les formes adviennent par un acte sculptural très simple, ou par un processus mathématique compliqué. L’artiste met en relation le matériau, le nombre et la forme des éléments, une technique combinatoire avec de multiples possibilités de permutations. D’autres facteurs peuvent intervenir: le volume et la ligne, l’intérieur et l’extérieur, le manœuvrable, le toucher, etc. S’ajoute enfin une pensée particulière sur la sculpture, un esprit ludique et rigoureux, une disponibilité à « couper-coller » et un appétit pour l’opera aperta ou bien pour l’art de la fugue.

Konrad Loder crée ses sculptures en les transformant, en les mettant en mouvement. Le même matériau se présente sous des volumes différents, qui prennent eux-mêmes des places variables dans l’espace. Un cercle se déploie, perd son poids et devient ligne. Les éléments d’un cylindre deviennent les parties d’une figure ondulatoire ou d’une colonne. Une spirale s’enroulant sur elle-même se déploie dans tout l’espace. L’objet passe de la concentration à

l’extension, du volume à l’aérien, de l’intérieur à l’extérieur. Konrad Loder envisage l’œuvre d’art comme processus ouvert, une re-construction permanente. Avec une économie extrême des moyens, il impose l’évidence de ses structures dégageant une sorte de poésie intellectuelle et mécanique: Involucre, Botticelli, Hiéronymus… Des matériaux austères — zinc, bois, acier, plâtre — récupérés et utilisés selon l’ancien principe de l’art « pauvre ». Des formes géométriques simples: le cercle, la spirale, le cube, le parallélépipède, des volumes qui peuvent être organisés de multiples façons. Des modalités propres d’assembler les volumes métalliques: le fil de fer, la ficelle. Fendre, coudre, creuser, observer, nouer, empiler, remplir, taper sont ses gestes de prédilection. Autant d’actions qui suscitent les réactions du spectateur: trouver, toucher, décomposer, manipuler.

Aux paramètres de la sculpture minimale, Konrad Loder superpose son propre contexte fait de je, de jeu, de joie et de subtils dérapages. Protéiforme, ludique, processuelle et fonctionnelle, la sculpture de Konrad Loder déjoue sans cesse les repères traditionnels et propose un exercice de la pensée et du regard qui sonde et démonte l’institution qu’est la sculpture aujourd’hui.

Konrad Loder :
—Le Fonds, 2000. Environ 400 caisses de différentes tailles renfermant chacune des sculptures et des objets
— Mouton, 2001. Sculpture mince, bois contreplaqué, ficelle, tréteau. 40 x 110 x 1cm.
— Cône, 2000. Un élément, bois contreplaqué. 55 x 55 x 50 cm.

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