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Tableaux vivants

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Cinq ans après sa première exposition Hill Billy Hardcore: Profonde Amérique à la galerie g-module, où il donnait une effrayante image de l’Américain moyen, Ken Weaver, revient à Paris pour présenter une série récente, totalement différente, composée de grands dessins au pastel à l’huile sur papier, où il met en scène avec emphase sa vision baroque de la civilisation occidentale.

Adepte de thèmes que l’on a connus plus délibérément provocateurs (en témoignent les titres de récentes expositions comme «Supersonic Satan», à la galerie Exprmntl de Toulouse, en 2005, ou «Royally Fucked !», en 2006 à la Schroeder Romero Gallery de New York), l’artiste américain Ken Weaver a choisi de mettre son talent de dessinateur maniaque au service de la glorification des architectures baroque et néo-baroque. Il porte ainsi, par le biais de ses figures d’anges érotisés hyperréalistes (tels Ab Aeterno (From the Beginning of Time) ou Aeternum Vale (Farewell Forever)), contreparties vengeresses de l’ange bienfaisant du film Les Ailes du désir de Wim Wenders, un regard intransigeant sur le chaos d’une civilisation.

Les compositions de Ken Weaver juxtaposent des fragments d’architectures hétéroclites : dans Ad Perpetuam Memoriam (From the Perpetual Remembrance), les pieds de la Tour Eiffel, projet utopique par excellence, ici inachevé, occupent une voûte baroque, creusée de niches et d’oculi, qui affirme son obsession du décor et sa peur du vide face à l’efficacité mathématique de la Tour de 100 mètres, œuvre d’ingénieur avant tout.
Mêlant ancien et moderne, civil et sacré, intérieur et extérieur, Ken Weaver affirme créer des « ultérieurs », que l’on peut interpréter comme des combinaisons mentales d’architectures de différentes époques, en forme d’hommage aux multiples mouvements «néo» qu’a connu l’histoire de l’architecture, en particulier au XIXe siècle.

Le talent de dessinateur de l’artiste et sa fascination pour le baroque apparaissent dans le dessin Bernini Opera in Three Parts Simultaneously, où l’on reconnaît diverses œuvres du célèbre sculpteur italien du XVIIe siècle, dont une tête de faune hurlante d’angoisse. Dans Lux Eternus (Eternal Light), c’est la splendeur passée de Versailles que fait surgir l’artiste, auteur récemment de la série sadienne Royally Fucked !, mettant en scène dans des décors du même type des orgies très réalistes.

Recomposant une époque fantasmée, les architectures rococo de Ken Weaver posent le décor d’une civilisation exsangue, décadente et déchue. Le parallèle que fait l’artiste entre cette architecture de l’ornement, riche et excessive, et notre époque insatiable constitue une brillante métaphore de la profusion stylistique qui caractérise le champ de l’art actuel.

A voir également au sous-sol, espace « Underground » de la galerie g-module, l’exposition de Travis Hutchison, Backstage at the Pyramid.

Ken Weaver
— Ab Aeterno (From the Beginning), 2007. Pastel à l’huile sur toile, 104 x 75 cm.
— Ad Perpetuam Memoriam (From the Perpetual Remembrance), 2007. Pastel à l’huile sur toile, 104 x 150 cm.
— Lux Eternus (Eternal Light), 2007. Pastel à l’huile sur toile, 104 x 75 cm.

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