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Tableaux-feu et monochromes

Contrairement aux apparences, les tableaux de Bernard Aubertin sont très éloignés du réductionnisme moderniste. Il ne s’agit pas pour cet artiste de réduire la peinture à ses éléments constitutifs — couleur, cadre, surface plane —, comme le feront par la suite les protagonistes de Support/Surface, mais de capter l’essence dynamique du monde à travers la présence pure de la matière.

Aussi, doit-on savoir que Bernard Aubertin fut un proche d’Yves Klein pour comprendre son œuvre. Imprégné par la philosophie Zen, le créateur de l’IKB (International Klein Blue) fait de la peinture monochrome et du vide les vecteurs des forces cosmiques. Comme la philosophie asiatique le lui a enseigné, le vide — ce qu’est d’une certaine manière le monochrome — est le lieu du devenir, des transformations et des perpétuelles métamorphoses du monde. Ainsi Yves Klein orientera le premier Bernard Aubertin dans le sens d’un matérialisme absolu et (paradoxalement) spirituel.

Orientation qui sera confirmée en 1961 par son adhésion au Groupe Zéro, formé en 1959 par de jeunes artistes eux-mêmes proches d’Yves Klein. En réaction à l’Abstraction lyrique et à l’Expressionnisme abstrait, alors dominants sur la scène internationale, les acteurs de ce groupe cherchent à extirper de la toile la subjectivité de l’artiste au profit d’une vérité cosmique portée par la matière laissée à l’état pur, à savoir le monde comme devenir permanent.

C’est dans cette perspective que Bernard Aubertin crée dans les années 1960 ses premières œuvres décisives. Depuis lors, chacun de ses monochromes de couleur or, argent ou rouge s’impose comme un bloc de matière et de sensations, la pâte colorée offrant d’infinies variations de lumière et d’épaisseur. De même pour ses «tableaux feu» réalisés à partir d’allumettes disposées sur une planche accrochée au mur qu’il enflamme, et dont au final il ne reste plus qu’une trace de fumée ainsi que des bouts de bois calcinés.

Parce qu’il cherche à «prendre au piège la matière en circulation dans l’espace» (Piene), c’est-à-dire le monde dans son devenir perpétuel, Bernard Aubertin pourrait déclarer avec Yves Klein que ses «tableaux ne sont que les cendres de [son] art».

— Bernard Aubertin, Carré + Or, 2005. Acrylique sur toile. 40 x 40 cm.
— Bernard Aubertin, Rouge Carmen, 2009. Acrylique sur toile. 15 x 15 cm
— Bernard Aubertin, Or pas si classique, 2009. Acrylique sur toile. 20 x 20 cm
— Bernard Aubertin, Collatéral, 2009. Acrylique sur papier. 84 x 59 cm
— Bernard Aubertin, Monochrome rouge n°197, 1997. Acrylique sur toile. 30 x 24 cm.
— Bernard Aubertin, Rectangle argent n°4, 2008. Acrylique sur toile. 30 x 24 cm.
— Bernard Aubertin, Tableau noir, 2009. Acrylique sur toile. 50 x 50 cm.
— Bernard Aubertin, Tableau-feu, décembre 2009. Allumettes calcinées sur panneau métal. 84 x 59,5 cm.
— Bernard Aubertin, Tableau-feu aux boîtes d’allumettes (Camel), 2009. Boîte d’allumettes flambées sur panneau métal. 80 x 60 cm.