ART | CRITIQUE

Tabaimo

PMaxime Thieffine
@12 Jan 2008

A la Fondation Cartier, trois vidéo-installations multiécrans, une fresque murale et diverses œuvres documentées permettent de découvrir Tabaimo, une jeune vidéaste japonaise, exposée pour la première fois en France.

On est d’emblée immergé dans l’exposition. Tabaimo a créé un décor au moyen de la multiprojection, de façon à transporter le spectateur dans un train de banlieue japonais.
Nous nous retrouvons debout au milieu d’une installation de six écrans de projection, trois de chaque coté du couloir. Parfois la même image se prolonge tout autour de nous ; d’autres fois, deux images réparties sur trois écrans se font face et opposent l’intérieur du train au paysage extérieur ; à d’autres moments la découpe est plus ludique, publicités et images suspendues se mêlent à la réalité des voyageurs. Des images symétriques, redoublées ou inversées permettent de suggérer une narration flottante ponctuée d’apparitions d’animaux géants, de gestes incongrus et de visions aberrantes.

Plus loin, Haunted House se présente sous la forme d’un écran courbe panoramique, l’image y défile en une sorte de scanner horizontal, diffusée par le projecteur qui panote à 180 degrés et redouble ce mouvement latéral. Nous apercevons au travers d’un iris de voyeur des géants qui se servent des immeubles comme d’une table, un jeune homme joue au golf et fait s’effondrer un bâtiment, des crimes sont visibles dans des appartements. Le film se termine par un pigeon venant s’écraser contre la vitre imaginaire de ce point de vue à la jumelle.

Une troisième installation, plus récente, bascule dans l’onirisme de façon plus affirmée, sans personnages ni lieux clairement représentés. Midnight Sea nous invite à pénétrer dans une tente noire après que l’on s’est déchaussé. Sur cette plage nocturne, il est possible de s’allonger pour observer le ressac des vagues blanches sur fond noir, des ondes semblables à des chevelures qui deviennent des filaments organiques.

Une fresque murale ainsi que des installations filmées et documentées sur moniteurs occupent le reste du sous-sol de la fondation. La fresque reprend des éléments d’un vaste projet en cours. Tabaimo réalise quotidiennement un dessin pour le journal Asahi pour illustrer la parution d’un roman de Shuichi Yoshida. Elle prélève dans la fiction des objets dont elle réorganise l’agencement et l’échelle sur le mur. En noir et blanc et dans un style graphique manuel assez classique, elle juxtapose vêtements, aliments, morceaux de corps et objets, mutant parfois les uns dans les autres.

Le style visuel de Tabaimo est singulier : des films d’animation aux coloris directement repris des estampes japonaises traditionnelles (a dominantes bleues, jaunes et vertes), le trait net et des contours noirs autour de chaque forme, des personnages génériques, une atmosphère silencieuse. Sa touche graphique est à situer du coté de l’illustration plutôt que du coté du manga.
On peut penser aux bandes dessinées de Fred dans une version plus ligne claire, on peut penser aussi à Folon dans l’esprit. La technique d’animation reste très rudimentaire et hiératique privilégiant la naïveté du fait main.
Pour l’artiste japonaise, le dessin animé offre la possibilité de faire apparaître l’incongru et de le traiter à égalité avec le reste de l’image, de façon réaliste ou simplifiée.

Cette première exposition française lui permet de montrer l’évolution de son style qui se démarque fortement de ce qu’on peut attendre de l’animation pop japonaise. Plus proche du dessin d’illustration et de l’aquarelle, elle part du quotidien pour se placer hors du temps, dans des non-lieux abstraits.

Tabaimo
Midnight Sea, 2006. Installation vidéo, 4 mn en boucle.
Haunted House, 2006. Installation vidéo, 4 mn en boucle.
Akunin, 2006. Dessin mural.
Japanese Cummuter Train, 2001. Installation vidéo, 8 mn en boucle.

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