LIVRES

Sylvie Fajfrowska

Sylvie Fajfrowska ose une figuration étrange. Singulière pour le moins. Dérangeante. Elle fait partie de ces peintres qui, se sortant des catégories instituées de l’histoire de la peinture, se situent à leur exact entre-deux. Une pratique de la peinture qui se fonde sur le «et», non plus sur le «ou». Une peinture bien qu’abstraite, qui n’esquive pas, bien au contraire, la question de l’image.

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Présentation
Éric de Chassey
Sylvie Fajfrowska

Sylvie Fajfrowska est aujourd’hui assez libre dans son rapport au tableau, dans son rapport aux traditions, dans son rapport au motif et dans son rapport au spectateur enfin, pour prendre le risque de tout soumettre à cette double tension de l’abstrait et du figuratif. Cela est très différent d’une situation de conciliation facile qui confondrait abstraction et figuration. Car il faut une très grande subtilité en même temps qu’une précision ferme pour faire en sorte que des objets affirmant autant leurs volumétries puissent se donner à voir aussi comme abstraits, ou, qu’au contraire, des superpositions de bandes colorées puissent se présenter aussi comme des objets à part entière.

On est loin ici de cette tentation, sans cesse reconduite depuis plus d’un siècle, qui voudrait légitimer l’abstraction en montrant qu’elle est en fait une figuration cachée. C’est pourtant aujourd’hui un territoire singulièrement occupé, qui ne considère pas autrement l’abstraction que comme un effet de dissimulation astucieuse: vous croyez voir de l’abstraction, mais vous y verrez de la figuration si l’on vous en donne les clefs. Et l’on est content de reconnaître le motif ornemental baroque sous le tableau de Walter Obholzer, la séquence de jeu vidéo désuet derrière le panneau de Gerwald Rockenschaub, pour prendre deux exemples autrichiens.

Ce faisant pourtant, feignant de pointer le caractère ordinaire de la création, les commentateurs se congratulent seulement de faire partie d’un cercle d’initiés, avant d’être à leur tour des initiateurs. Sylvie Fajfrowska prend bien soin de ne pas tomber dans ce divertissement facile pour critiques d’art. Elle ne cache rien : boîtes, meubles et enchâssements de bandes se présentent tout de suite pour ce qu’ils sont.

L’intérêt de tous ses motifs est désormais plutôt de se prêter à une double conception, une double perception, une double réception (double, au moins). Si cette ambition est affirmée depuis assez longtemps pour les motifs abstraits (de telle sorte que cela est moins remarquable), si elle continue d’ailleurs à l’être (puisque des tableaux à motifs abstraits continuent d’être peints par l’artiste), elle ne l’est pas moins désormais pour les motifs figuratifs les plus chargés.

Silvie Fajfrowska est née en 1959 à Paris. Elle a fait ses études aux Beaux-Arts de Paris où elle vit et travaille.
Éric de Chassey est historien de l’art et enseignant.