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Swiss-Swiss Democracy

04 Déc - 30 Jan 2005
Vernissage le 04 Déc 2004

«Je n’exposerai plus en Suisse» telle est la déclaration de Thomas Hirschhorn afin de déstabiliser la bonne conscience démocratique de son pays. Avec Marcus Steinweg, Gwenaël Morin et sa troupe de théâtre, ils tiendront le siège du Centre culturel suisse pendant 8 semaines.

Communiqué de presse

Thomas Hirschhorn

Swiss-Swiss Democracy

Swiss-Swiss Democracy veut aller au-delà de la démocratie, ce n’est pas une provocation. Je veux avec Marcus Steinweg, Gwenaël Morin et sa troupe de théâtre tenir le siège du Centre culturel suisse pendant 8 semaines. Je veux avec cette présence et cette production quotidienne dés-idéaliser la démocratie et je veux dé-stabiliser la bonne conscience démocratique. Je me révolte contre l’utilisation de la démocratie, je me révolte contre l’absurdité de la démocratie directe aujourd’hui en Suisse, mon pays, et je me révolte contre l’élection du conseiller fédéral Christoph Blocher.

Je n’exposerai plus en Suisse. Je ne veux pas céder, je ne veux pas accepter ce conseiller fédéral élu ce jour par les représentants du peuple, car rien n’est de meilleur goût, rien n’est plus confortable, rien n’est plus outrecuidant que d’être, à l’heure actuelle, un démocrate. Or, la démocratie n’est pas infaillible – et ce jour prouve que la démocratie est vulnérable – le problème de la démocratie est qu’elle génère sa propre vulnérabilité. Pour moi, il ne s’agit pas de m’opposer à la démocratie, mais d’aller au-delà de celle-ci, de m’autoriser à prendre une décision, dans la précipitation, aveuglement et de façon irréfléchie, qui demande une abnégation de soi, un dépassement de soi. Je veux demander plus qu’il convient de demander. Je ne veux pas le possible, l’impossible. L’art n’aspire pas au possible, mais à l’impossible.

Je n’exposerai plus en Suisse. Dans l’art, l’impossible l’emporte sur le possible, c’est le triomphe sur le narcisse, sur la dépression, sur le ressentiment et sur l’angoisse. Je ne veux pas céder, car l’art n’est pas consensuel, l’art n’est pas diplomatique. Avec l’art, on ne peut pas faire de compromis boiteux. On me reprochera d’être un doux rêveur et d’être dénué du sens de réalité, alors que je veux seulement me lancer dans un mouvement au cours incertain et que je veux assumer toute la responsabilité, jusqu’à l’excès – je veux prendre la responsabilité de quelque chose d’irresponsable et qui me déstabilise. Mais je veux être en phase avec moi-même – je ne veux pas critiquer, polémiquer, je veux être en phase – car pour moi, l’art est un outil, un outil pour me confronter à la réalité, un outil qui me permet de comprendre le moment que je vis et un outil qui permet de connaître le monde; l’art est aussi un mouvement de résistance.

L’art résiste, n’est ni passif ni réactif. L’art attaque. A travers mon travail artistique je veux me mesurer à la réalité, aussi complexe, dense et insondable qu’elle puisse paraître. Je veux agir dans cette opacité – je veux être courageux, je ne veux pas me laisser endormir, je veux continuer à travailler et je veux être heureux. Le plus important de ma déclaration du boycott des expositions en Suisse est que je ferai ce que j’ai annoncé. Je ne transigerai pas. Je ne veux pas devenir un homme politique. Aussi, toutes les questions concernant “comment”, “où” et “quand” passent, à l’heure actuelle, au second plan. Ce qui importe, c’est le pourquoi.
Avec mon boycott, je veux démontrer qu’il faut en finir avec le fascisme rampant – car je sais que des gens comme M. Blocher ne changent jamais, même s’ils deviennent conseillers fédéraux. L’histoire est là pour nous le prouver. Croire le contraire serait naïf, aveugle ou sot. Personne ne semble avoir appris cette leçon en Suisse. Blocher, Haider, Le Pen, c’est le même combat – Robert Fleck a appelé au boycott des expositions en Autriche il y a 4 ans (lors de l’entrée au gouvernement du parti de Haider). J’avais approuvé cette initiative et n’ai, depuis lors, plus accepté une seule offre d’exposition en Autriche – déjà à cette époque j’ai su que ce serait au tour des Suisses de devenir les prochains pourfendeurs des idées xénophobes et racistes.
C’est en effet le cas et je n’en tire que les conséquences. Je suppose que, dans quelques années, Blocher représente en tant que magistrat suprême la Suisse, mon pays, ce que, en tant que Suisse, jamais je n’accepte.
Thomas Hirschhorn, 10.12.2003

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