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Swing, ma demeure la putain et la maman

PMarguerite Pilven
@12 Jan 2008

De pâles dessins au crayon et des phrases courant sur la cimaise décrivent de façon fragmentaire et allusive des sensations physiques d’étrangeté à soi et des états d’âmes liés à l’expérience de la grossesse et de la maternité.

L’artiste fait se croiser ces phrases extraites de différents témoignages qu’elle a recueillis : anxiétés liées aux métamorphoses du corps, expérience vertigineuse de la mise au monde ou impression étrange de  » ne plus être la même  » se déclinent sur le mode de la confession.

Cette expérience radicale de l’altération physique soulève la question du rapport à l’autre : « J’aime bien la femme séductrice, et j’ai très peur de renoncer à cela  » lit-on sur un dessin représentant un visage féminin songeur ; « J’ai arrêté de me sentir comme un objet de désir » lit-on ailleurs. Paradoxe de la maternité ayant pour horizon la naissance et pourtant vécue comme un deuil, une expropriation de soi. La femme quitte ses attributs de séductrice pour endosser le rôle de future maman. Pendant les neuf mois qui l’en séparent encore, c’est sur son propre corps qu’elle se replie, avec cette prudence du créateur protégeant son travail en cours.

En contrepoint de ces phrases, une vidéo diffuse l’ensemble des témoignages. On écoute les voix de femmes évoquant les souvenirs de leur grossesse à mesure que des images défilent, métaphores construites autour de rapports de contenu à contenant : un poisson tournant dans un bocal, une main retirant soigneusement du linge d’une valise…
Une émotion est perceptible dans les voix, comme si ces femmes revivaient leur expérience à mesure qu’elles la décrivent. Les séquences vidéos évoluent avec lenteur : des mains caressent le cuir d’une valise fermée ou en retirent du linge, œuvrant avec prudence et attention, accordant à ces activités banales une tendresse de mère. Autant de séquences par lesquelles de Montesquiou cherche à restituer ce climat d’attente et de préparation, indissociable de la lente période de gestation.

Après cette latence, cette lenteur, ce lourd ancrage dans le corps, l’accouchement se décrit comme une délivrance brutale et traumatisante : « L’ouverture du sexe me paraît quelque chose d’inhumain… « , une impression de mourir, et d’éprouver les limites sensibles de son corps — « Chacune de mes cellules hurlait »… Passage initiatique, où la mort à soi-même est condition de la renaissance, d’une impression d’exister beaucoup plus intense, relatée par plusieurs femmes dans la vidéo.

En évoquant simultanément les étapes de la maternité, et par la manière dont elle articule aux cimaises ces bribes de discours, Eléonore de Montesquiou semble vouloir mettre l’accent sur le caractère initiatique d’une expérience dans laquelle vie et mort se rejoignent, expérience par laquelle le sujet donnant naissance naît aussi à soi-même, à travers l’expérience aiguë et douloureuse de son propre corps : « Il y avait une mollesse, une liquidité que je ne retrouve pas sur terre », ou  » cette déformation un peu liquide que j’ai par rapport au monde ».

Mais on peut rapidement s’ennuyer de cette réflexion mêlant le bavardage anecdotique à la confession de type « Bas les Masques » ou à la déclaration d’effroi mystique à la Georges Bataille, d’autant que les propositions proprement plastiques restent d’un intérêt limité.

— J’étais belle comme une âme dans un corps emprunté, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— J’ai gueulé/J’ai peur, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— Chacune de mes cellules hurlait, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— Si les gens touchaient, ça ne me dérangeait plus, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— Au niveau de la féminité, c’est quelque chose qui m’excite plus, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— J’aime bien la femme séductice et j’ai très peur de renoncer à cela, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— La catastrophe a commencé une fois que j’en suis sortie, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— Il y avait une mollesse, une liquidité que je ne retrouve plus, 2004. Dessin au crayon sur papier. 102 x 73 cm.
— Swing ma demeure, la putain et la maman, 2003. Vidéo noir et blanc. 24’
— Elle préfère les angles mous, 2003. Vidéo noir et blanc. 2’9.

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