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Sweet Dreams are Made of these Fears

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Une exposition sur le mode du deuil des illusions perdues, du rêve d’un territoire parfait que chacun aurait au plus profond de soi. Avec pour fil rouge la représentation du monde offerte par l’industrie du tourisme et comme en écho à cet idéal inaccessible, des paroles de chansons d’amour.

On connaît Ruth Barabash pour ses peintures composées de petits dessins à la gouache sur papier. Ses sujets, souvent inspirés de catalogues de jouets, sont traités avec une grande simplicité de moyens et reproduisent des scènes militaires à la manière de dessins d’enfants. En transposant dans le monde de l’enfance un univers de violence et de combat, l’artiste veut révéler ce qui, selon elle, exprime « les valeurs et le vrai désir de nos sociétés ».

Avec cette nouvelle série d’œuvres, Ruth Barabash prend le contre-pied de ces images de violence et nous emmène dans un monde mythique, celui des paradis perdus. Paysages de vacances, papillons et paroles de chansons d’amour lui servent de vocabulaire dans cette exploration des mondes utopiques et éphémères qui n’existent que dans notre imaginaire, bien loin du monde réel et de ses violences quotidiennes.

Pourtant, sa démarche reste identique : en montrant l’idéologie mystificatrice du tourisme et plus largement du mythe du paradis perdu, l’artiste désire mettre l’accent sur l’impossibilité de cette idéologie du bonheur.

Ruth Barabash explique : « Aujourd’hui, je me sers de cartes postales et d’images de catalogues de vente de vacances parce qu’elles véhiculent la même contradiction. Ce monde de papier glacé vendu par l’industrie du tourisme, avec ses clichés hautement séduisants et léchés est le monde que nous habitons, celui des conflits, des guerres, des violences et misères sociales. Un monde utopique en quelques sortes, construit de toutes pièces et dans des contextes parfois très pauvres afin d’attirer des milliers de touristes et les arracher à leur quotidien » (1).

Pour rendre ses images plus sexy, plus attractives, elle multiplie les techniques et les supports : toiles, papiers divers, plastique, huiles, encres, feutres, peinture pour vitrail et pour céramique. Elle assemble différents petits formats formant des compositions dont les éléments se répondent. Par exemple, lorsque les phrases d’une chanson (No Matter What I Do, I’m Still In Love With You) inscrites au marqueur sur du plastique transparent côtoient une carte touristique de Cuba et un dessin de papillon. Leur mise en présence évoque notamment l’aveuglement touristique, avec un amour inconditionnel pour ces destinations lointaines cependant si évanescent — comme le papillon.

La fragilité des œuvres est une constante dans son travail. Jamais de cadre ni de support, même pour les grandes toiles exposées qui sont simplement découpées et agrafées aux murs. Ce côté éphémère de la création s’inscrit dans la notion d’exil perpétuel. Une thématique d’ailleurs bien présente dans ces œuvres, avec le choix de paroles de chansons comme You Told me you Love me, How Did you Leave me Alone, ou la représentation de paradis perdus figurés par les îles ou la terre promise d’Israël.

Après les illusions, viennent les désillusions… Une démarche qui tente de démystifier l’idéologie de nos sociétés qui nous vend des images de rêve — du bonheur en kit — si loin de la réalité du monde.

Note(s)
1. Entretien avec Evelyne Jouanno, Paris, 22 juillet 2004.

Ruth Barabash
— Reflex, 2004. Feutre permanent sur calque. 21 x 30 cm.
— No Matter what…, 2004. Feutre sur papier. 22 x 23 cm.
— And the World… (papillon violet) , 2004. Vitrail sur chromomat, 14 x 21 cm.
— You Told me you Love me, 2004. Feutre gouache bleu sur plastique. 90 x 130 cm.
— You Told me you Love me, 2004. Feutre gouache saumon sur plastique. 114 x 130 cm.
— You Told me you Love me, 2004. Feutre gouache sur plastique. 91 x 130 cm.
— Car l’homme est l’arbre des champs, 2004. Céramique sur chromomat. 65 x 50 cm.
— Car l’homme est l’arbre des champs, 2004. céramique sur chromomat. 21 x 30 cm.
— Car l’homme est l’arbre des champs, 2004. Vitrail sur chromomat. 65 x 50 cm.
— And the World… (papillon bleu) , 2004. Vitrail sur chromomat. 13,5 x 21 cm.
— And the World… (papillon mauve) , 2004. Vitrail sur chromomat. 15,5 x 21 cm.
— And the World… (papillon blanc) , 2004. Encre de chine sur chromomat. 15,5 x 21 cm.
— Darling…, 2004. Encre de chine. 14 x 21 cm.
— Cuba, 2004. céramique sur chromomat. 50 x 65 cm.
— Les îles du monde, 2004. Vitrail sur papier transparent. 21 x 30 cm.
— Sans titre, 2004. Feutre sur papier. 15 x 25 cm.
— Sans titre, 2004. Feutre sur papier. 15 x 25 cm.
— Ruth Barabash, 2004. Feutre sur papier. 17 x 21 cm.
— Sans titre, 2004. Feutre sur papier. 21 x 30 cm.
— Sans titre, 2004. Feutre sur papier. 21 x 30 cm.
— Bon dimanche, 2004. Feutre permanent sur calque. 21 x 30 cm.
— Where Is the Love, 2004. Encre de chine sur papier. 50 x 65 cm.
— France, 2004. Céramique sur papier. 21 x 30 cm.
— Darling don’t you…, 2004. Feutre sur papier. 12 x 21 cm.
— I Remember…, 2004. Vitrail sur chromolux. 50 x 65 cm.
— I Remember…, 2004. Feutre gouache sur plastique. 23 x 130 cm.
— I Think I Love you…, 2004. Feutre sur papier. 21 x 24 cm.
— I Am Sorry, 2004. Feutre permanent sur papier. 15 x 21 cm.
— Polynésie, 2004. Huile sur toile libre. 210 x 227 cm.
— In our Family…, 2004. Huile sur toile libre, feutre sur plastique, 151 x 210 cm.

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