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Surfaceaction

PHélène Sirven
@12 Jan 2008

Pour sa première exposition personnelle en France, Neal Beggs escalade les murs de la Galerie Le Sous-Sol, avec piolet et chaussures à crampons…

La galerie Le Sous-sol accueille Surfaceaction la première exposition personnelle de Neal Beggs en France. En 2001, la Zoogalerie de Nantes avait présenté quelques unes de ses œuvres dans une exposition de groupe, en particulier un Wall Painting, impressionnant parcours à expérimenter, accompagné d’une vidéo filmant l’artiste escaladant le long d’un mur d’autoroute (Expressway).

Ici, cinq pièces sont en relation : la première est le résultat de l’escalade des murs de la galerie, c’est-à-dire deux lignes correspondant aux marques du piolet dans la surface peinte du mur, et à celles des pointes des semelles à crampons à 80 cm du sol. On peut découvrir, discrètement posé sur le rebord de la fenêtre, un abrasif en forme de petite montagne puisque les coutures qui structurent ce carré rigide représentent clairement des pans rocheux. Petite montagne un peu rugueuse que l’on peut soulever, prendre dans sa main : métaphore du sublime et du banal, cet objet est presque un ready-made, en tout cas un condensé d’expérience. L’artiste propose là une sorte de synthèse de son interprétation du monde urbain et de la nature. Neal Beggs, peintre et artiste conceptuel, aime à lisser des surfaces souvent monochromes, à les travailler, à les polir, avec cet objet banal devenu poétique.

Dans le bureau de la galerie, deux autres éléments :  » Surfaceaction  » est écrit en Letraset noirs sur le mur en regard d’une grande photographie en couleurs, sans cadre, intitulée Some Kind of Meaning: l’artiste se tient debout sur une terrasse sans garde-fou de l’une des trois cent quatre tours modernes de Glasgow. De dos, légèrement penché, se détachant sur un ciel nuageux, il regarde l’étendue urbaine dans une perspective immense de voies de communication, de constructions, d’arbres. Mais l’horizon ne laisse pas voir les deux cent quatre-vingt-quatre montagnes écossaises, les Munros, qu’il a escaladées dans la neige, le vent, le froid, la solitude.

Glasgow est une agglomération dure, qui connaît depuis vingt ans un grand rayonnement artistique (avec Douglas Gordon, par exemple). Mais Beggs n’a pas de message social, c’est son individualité, son identité artistique, qui compte d’abord. Son tatouage au bras indique sa date de naissance, quelque chose qui ne s’oublie pas, en chiffres imitant ceux des horloges à cristaux liquides.

Une œuvre récente (Corridor, 1999-2001) met en relation l’escalade des tours industrielles de Glasgow et celle des monts celtiques qui la bordent, en indiquant face à face simplement les hauteurs et les noms des unes et des autres. Neal Beggs est en cela proche d’un Joseph Kosuth, d’un Lawrence Weiner, mais aussi de Hamish Fulton, autre promeneur discret dans le paysage. Dans Corridor, le visiteur passe entre ces deux murs de mots. Les connections que l’artiste établit sans cesse sont liées à une méditation qui se souvient des romantiques, de leur expérience de lieux sublimes. Mais Beggs ne s’égare pas dans une rêverie décalée, son corps reste le lieu précis de l’action (avec une réminiscence à Jackson Pollock), le médiateur physique entre l’environnement urbain et naturel, le réceptacle de fictions personnelles mais aussi d’une histoire collective. Le corps permet au processus créateur de toucher les frontières les plus intimes de la vie et de la pensée, en tenant compte aussi du langage et de ses codes.

Enfin, la vidéo qui déroule les images de l’action qui a eu lieu dans la galerie donne également la dimension sonore de l’effort.
Les trois derniers jours de l’exposition, Bernard Brunon (That’s Painting Productions) viendra reboucher et repeindre les murs selon une programmation précise, et le lissage sonore des murs sera un écho aux pièces de Neal Beggs. La peinture comme surface, concept et mise en relation de territoires et de temps différents trouvera là un contrepoint ouvert.

Neal Beggs
— Some Kind of Meaning, 2000. Photographie couleur. 75 x 110 cm.
— Surfaceaction, 2002. Letraset collés sur le mur.
— I Want You, 2002. Abrasif et coutures. 20 x 20 cm.
— Climbing Wall, 2002. Action sur les murs de la galerie. Marques de l’escalade sur 3 m de haut et 18 m de long.
— Vidéo de l’action Climbing Wall, 2002. Auteur : Christophe Loizillon. 14 minutes.

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