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Sur le seuil du temps. Essais sur la photographie

Face à la diffusion de masse de la photographie dont il était le témoin, Siegfried Kracauer fut l’un des premiers à saisir l’importance d’en développer une analyse critique et d’apprendre à penser la modernité dans son ensemble. Cet ouvrage rassemble les essais qu’il a consacrés à ce médium depuis la fin des années 1920 jusqu’à son exil en Amérique.

Information

Présentation
Siegfried Kracauer
Sur le seuil du temps

Siegfried Kracauer (1889-1966) apparaît aujourd’hui comme un des intellectuels les plus originaux issus de la République de Weimar. À la fois philosophe, romancier, essayiste, sociologue et historien, critique et théoricien du cinéma, il fut aussi un penseur pionnier de la photographie, technique de reproduction dans laquelle il voit un nouveau rapport au temps s’instaurer.

Ce recueil rassemble les essais qu’il a consacrés à ce médium depuis la fin des années 1920 jusqu’à son exil américain. Comme son ami Walter Benjamin, Kracauer fut l’un des premiers à saisir combien, face à sa diffusion quotidienne de masse dans les journaux illustrés, il fallait repenser la modernité — mais aussi le cinéma et même l’histoire — à travers la photographie.

Avec les commentaires de Philippe Despoix et Maria Zinfert. Traduit de l’allemand par Daniel Blanchard, Sabine Cornille et Claude Orsoni.

«Dès l’époque de Daguerre, on a compris que la photographie découle d’une approche qu’il ne faut pas confondre avec celle de l’artiste et qui doit se fonder sur la capacité spécifique de l’objectif d’enregistrer la nature. C’est ce qui explique l’attitude la plus répandue face à ce médium: ce qu’on apprécie en lui c’est qu’il produit des documents d’une authenticité incontestable. Et c’est cette qualité documentaire qui a frappé les imaginations au XIXe siècle.

Baudelaire, qui dénonçait avec mépris à la fois la déchéance que la photographie inflige à l’art et la prétention de celle-ci à être un art, reconnaissait du moins à la photographie le mérite de sauvegarder, en fixant leur apparence, ces choses éphémères qui peuvent prétendre à une place dans les «archives de notre mémoire». On ne saurait surestimer le précoce succès des photographies comme souvenirs. Il n’y a guère de familles qui ne puissent se vanter de posséder un album dans lequel les générations de chers disparus se bousculent dans des décors variés.

Avec le temps, cependant, la signification de ces souvenirs se transforme sensiblement. A mesure que s’estompe leur pouvoir évocateur s’affirme leur fonction documentaire: leur valeur d’enregistrement éclipse leur séduction originelle en tant qu’auxiliaires de la mémoire. Feuilletant l’album de famille, la grand-mère revit sa lune de miel tandis que ses petits-enfants étudient avec curiosité ces gondoles bizarres, ces modes surannées et d’anciens jeunes visages qu’ils n’ont jamais vus.

Et ils feront à coup sûr des découvertes réjouissantes, pointant du doigt des détails insolites qui, à l’époque, avaient échappé à leur grand-mère. C’est là aussi une réaction typique que suscitent les photographies. On les regarde instinctivement avec l’espoir d’y détecter quelque chose de nouveau ou d’inattendu — et cet espoir est un hommage rendu au pouvoir explorateur de l’objectif.»
Siegfried Kracauer

Sommaire
— Kracauer penseur du médium photographique, par Philippe Despoix
— Essais sur la photographie
La photographie (1927)
A la frontière d’hier (1932)
Berlin photographié (1932)
Note sur la photographie de portrait (1933)
L’approche photographique (1951)
— Curriculum Vitae in Pictures, par Maria Zinfert
— Notes
— Remerciements
— Sources des textes
— Traductions
— Liste des illustrations et crédits photographiques
— Ouvrages de Siegfried Kracauer en traduction française