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Superflat Monogram

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Murakami est une superstar, les cimaises des galeries ne lui suffisent plus. Il prend d’assaut les vitrines de Louis Vuitton pour qui, également, il lance une nouvelle gamme de sacs. A cette occasion, il a réalisé le film Monogram Flat, un dessin animé qui met en mouvement son univers féérique.

Murakami est omniprésent à la galerie Emmanuel Perrotin depuis un an. Il occupe une place à part dans l’art contemporain actuel, il est autant le symbole que le moteur d’un art japonais près à toutes les séductions. Il s’impose parmi les poids lourds de l’art de l’entertainement. Sans peur ni tabous, il s’attaque à l’art sérieux, ses productions sont autant héritées d’un passé lointain que d’un présent en train de se fabriquer.
Entre tradition graphique léguée par Hokusai et prééminence des arts populaires issues de la Seconde Guerre mondiale, il s’autorise le grand écart. Cela lui permet de rapprocher un passé prestigieux et une production contemporaine ambitieuse. Les deux modèles ne s’opposent pas, ils dessinent les velléités tapageuses d’une avant-garde japonaise insouciante.

À cette personnalité trempée s’ajoute les oripeaux artistiques contemporains. Murakami pratique un art héraldique. Entre blasons et logos il poursuit la piste ouverte par les Klein, Buren, Toroni, Parmentier, Ben et autres. Il se réclame d’un art immédiatement identifiable, au risque de se voir immédiatement consommé. Il cuisine le tout à la sauce américaine, Warhol n’est pas loin, comme lui il fait partie de ces artistes opportunistes, qui font de leur art un (Show)biznes. Entre l’héraldisme européen — les rayures de Buren, le bleu de Klein — et la magie commerciale des Américains, Murakami n’oublie pas qu’il est Japonais.

Son art adopte un ton néo-Pop de circonstance très en vogue chez les « adulescent ». La régression devient un mode de vie, elle se décline en modèle social, tout est désormais revival, la musique devient compilation; quant à la mode, elle est désormais entièrement vintage. Le monde de l’art se résume depuis plusieurs décennies à une signalétique que l’on décline au fil des expositions, des invitations et des rencontres.

Murakami est emblématique de cette génération. Loin de toute subversion, de toute revendication, ses fleurs à larges bananes, ses champignons joyeux, ses yeux de toutes les couleurs tissent un imaginaire féerique et enfantin. Du blason au signe nous sommes désormais arrivés à une ère du logo. La signature du peintre a été dans l’histoire de l’art une revendication forte, une avancée importante du droit d’auteur, elle a participé à l’émancipation et à la reconnaissance du Peintre en tant qu’Artiste.
Elle est aujourd’hui déclinée en marque, elle est devenue un modèle de voiture chez Citroën avec la Picasso. L’atelier du peintre se transforme en entreprise, en PME. L’industrie automobile et celle du luxe utilisent les artistes autant qu’elle est utilisée par eux. La galerie, aujourd’hui, devient la succursale d’un magasin, elle organise des quinzaines commerciales.

Le bagagiste français Louis Vuitton, a laissé carte blanche au Japonais pour créer une nouvelle ligne de sacs et de foulards. Cette opération commerciale a été lancée début avril avec la diffusion dans les boutiques d’un film d’animation de quelques minutes — un rêve enfin réalisé par Murakami — Superflat Monogram.
Les commandes de mécènes privés ou publiques font partie du système de financement historique et logique des artistes. Les offres publicitaires ne sont pas infamantes, bien au contraire, elles permettent de concrétiser des projets, d’en faire aboutir et même d’en initier parfois. Mœbius, célèbre dessinateur de science-fiction, a tiré la tétralogie Les Mondes d’Eden d’une commande de quelques planches de Citroën (décidément).

Après avoir placardé ses fleurs souriantes et rampantes sur les devantures des vitrines, Murakami a projeté pendant un mois dans les boutiques son film d’animation. Ce projet lui a permis de mettre en mouvement ses personnages, son univers. Le résultat est très beau, tout en douceur et en couleur. Une petite Alice, grâce à la magie d’un magasin, traverse le miroir, ici c’est une vitrine Vuitton, et se retrouve dans le pays des merveilles, c’est-à-dire celui de Murakami, avec des sortes de panda géants et des monstres bienveillants. Mais est-ce un rêve ou la réalité ? La petite fille est-elle victime de son imagination ? La fin du dessin animé vous le dira.

Takashi Murakam
Superflat Monogram, 2003. Vidéo. Créé par Takashi Murakami. Producteur : Tsyuoshi Takashiro; co-producteur :Takeshi Himi; directeur: Mamoru Hosoda.
White Monogram, 2003. Acrylique sur toile. 40 x 40 x 4,20 cm.
Black Monogram, 2003. Acrylique sur toile. 40 x 40 x 4,20 cm.
Eye Love Monogram (black), 2003. Acrylique sur toile. 180 x 180 x 5 cm.
Eye Love Monogram (white), 2003. Acrylique sur toile. 180 x 180 x 5 cm.

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