ART | EXPO

Summer

13 Juin - 25 Juil 2015
Vernissage le 13 Juin 2015

Cette exposition personnelle d’Alex Israel met en scène un ensemble récent de Self-Portraits, Lens et Sky Backdrop Painting. L’exposition présente un aperçu global de son œuvre qu’on décrit volontiers comme un portrait de Los Angeles. Un portrait plus onirique que socialement construit, plus cinématographique, télévisuel et littéraire que journalistique.

Alex Israel
Summer

Cette exposition personnelle d’Alex Israel met en scène un ensemble de ses hits récents (Portraits, Lens, Sky Backdrop Painting) dans une configuration qui affirme sa conception de l’exposition comme événement.

Des murs entièrement peints d’un motif de ciel déclaré californien, aux accents résolument roses et bleus de «Thirty» qui convoquait la mémoire des cieux des toiles d’Edward Ruscha, l’exposition ravive le souvenir via une Sky Backdrop painting inédite. Sa facture, comme la gamme colorée, présente une sensible évolution, substituant aux bleus des tons orangés, aux roses des tonalités pourpres, et de manière générale, un aspect plus brumeux. C’est qu’avant d’être des éléments de décor, ces grandes toiles réalisées dans les studios de la Warner Brothers sont des peintures dont Alex Israel remet à chaque fois en jeu le style et la manière.

C’est d’ailleurs la structure même de tous les éléments de son œuvre qui combinent plusieurs fonctions, plusieurs lectures, plusieurs intensités critiques. Autant le dire dès à présent: toutes ces fort jolies choses qui composent cette œuvre offrent plusieurs niveaux d’intention — de l’ambition manifeste de simplement ravir jusqu’à la critique acerbe mais irrésolue, cette amplitude embrassant autant d’approches possibles qu’imaginables, entraînant fatalement le spectateur dans une palette d’émotions qui, elles, s’étalent de la satisfaction libidinale à la culpabilité.

L’exposition présente un aperçu global de sa carrière. Elle offre au public une occasion unique de découvrir une œuvre d’une remarquable virtuosité technique, centrée sur la perception du spectateur. En produisant au début de la décennie As It Lays — un ensemble d’interviews filmées avec des acteurs célèbres de la vie médiatique et artistique de Los Angeles, de Bret Easton Ellis à Larry Flynt, de Vidal Sassoon à Darren Star — Alex Israel a donné le ton d’une œuvre qu’on décrit volontiers comme un portrait de Los Angeles. Il s’agit plus exactement d’un portrait d’une certaine réalité de Los Angeles, plus onirique que socialement construite et discutée, plus cinématographique, télévisuelle et littéraire que journalistique.

La Backdrop Painting de l’exposition à la galerie Almine Rech ne sert pas de «décor» — comme c’est traditionnellement le cas — à un objet provisoirement emprunté aux sociétés qui fournissent à l’industrie de l’entertainment cinématographique et télévisuel des éléments pour composer une scène. Que ces éléments qui font office de faire-valoir à la peinture, interchangeables, ne soient pas à vendre avec ladite peinture propose un principe inédit qui renvoie aux grandes heures de l’art conceptuel.

Probablement ne déplairait-il pas à Alex Israel d’être envisagé comme une sorte de Michael Asher cool, tout à fait adapté à la réalité d’un champ artistique violemment reconfiguré par internet et son acceptation des règles de la société du spectacle. Cette Backdrop Painting est ici associée à une petite sculpture en bronze polychrome inédite, représentant une Corvette Chevrolet garée près d’un cactus, qui fut en effet un prop loué une fois par l’artiste pour un display, puis finalement conservé et reproduit en une petite édition de bronze peint.

L’ensemble formé par la toile et la sculpture construit un mini-récit: «The car is on a pedestal in front of the sky, as if it‘s on a cliff overlooking the expansive sunset. This tableau is sort of about riding off into the desert sunset at the end of the movie.»

Les trois nouvelles Lens de l’exposition sont déclinées dans une gamme colorée qui est précisément celle du ciel représenté dans la Sky Backdrop Painting: jaune, orange, violet. Comme les autres Å“uvres d’Alex Israel, celles-ci empruntent à différentes réalités combinées: le souvenir de l’art californien du siècle précédent (Craig Kauffman, Larry Bell, DeWain Valentine) autant qu’un clin d’œil à la société Freeway Eyewear, spécialisée dans la production de lunettes de soleil accompagnant inévitablement le way of life angeleno, que créa et dirige Alex Israel.

Dans cette œuvre à la structure parfaitement diabolique, chaque élément est sans cesse recyclé, re-profilé, redessiné, recombiné, «re-masterisé», chaque nouvelle adaptation renforçant la légitimité des précédentes au moyen d’une logique publicitaire parfaitement assumée. Ainsi, les lunettes Freeway Eyewear sont-elles amplement utilisées dans les épisodes de la websérie «Rough Wings» (2011): tous les acteurs les portent selon une logique de «placement de produit» très ordinaire dans l’industrie de l’entertainment cinématographique et télévisuel.

Les deux Self-Portrait de l’exposition parisienne sont eux-aussi les «dernières mises à jour» d’une forme qui naquit presque par accident. Tout d’abord créé comme un logo pour As It Lays à partir de son propre profil, Alex Israel en fit un portrait «officiel», empruntant tout d’abord sa palette colorée à celle de tableaux célèbres (de David Hockney à Milton Avery), puis organisant l’investissement de cette forme spécifique par diverses images stéréotypées de Los Angeles.

Les expositions d’Alex Israel sont toujours bien plus que la réunion des Å“uvres (et des autres éléments) qui la composent. Pensées comme des événements qui excèdent les Å“uvres, elles sont de puissants dispositifs qui convoquent toutes sortes de stratégies, y compris publicitaires, pour produire des situations assez naturellement offertes à toutes formes de consommation — dont celle, actuelle et triomphante, de la diffusion des images parfaites qu’elle génère méthodiquement, sur Instagram ou les blogs de ses fans. Une forme de perversion soft qui évoque le comportement induit par la disparition encouragée des Stacks de Felix Gonzalez-Torres: emporter une feuille de ces Stacks, c’est emporter aussi ses récits les plus politiquement brutaux.

Eric Troncy

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