ART | CRITIQUE

Sudden Impact

PPhilippe Coubetergues
@14 Déc 2006

Le Frac Ile-de-France expose ses nouvelles acquisitions. Il n’y a pas à priori de point commun entre les œuvres. Il n’y a que les œuvres à regarder, sans fil conducteur, sans concept fédérateur, sans avoir à chercher en quoi le regard sur les œuvres peut lui aussi passer pour une œuvre…

Le Frac expose ses nouvelles acquisitions, et quelques œuvres supplémentaires prêtées pour l’occasion. Il n’y a pas à priori de point commun entre les œuvres. Leur acquisition s’est faite sur des critères divers. Alors, pour une fois, il ne faut pas chercher de fil conducteur, encore moins de concept fédérateur; il n’y a que les œuvres à regarder, ce qui nous change de chercher à comprendre en quoi le regard sur les œuvres peut lui aussi passer pour une œuvre.

Le titre de l’exposition «Sudden Impact», lui-même ne cache rien, c’est seulement un clin d’œil au film de Clint Eastwood, pour dire — comme ça — que l’art et le cinéma ne sont pas forcément deux mondes à part.

A cet égard, une vidéo de Pierre Bismuth, Respect The Dead (2001-2006), prêtée pour l’occasion, nous plonge successivement dans plusieurs extraits de films (générique, première scène et image de fin) de quelques chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. On se fait piéger à tous les coups: l’ouverture nous transpose dans les premiers moments de l’intrigue, juste le temps de s’y fondre quand soudain le «The end» de clôture vient barrer l’écran et nous ramène brutalement à la réalité comme pour signifier qu’en ces quelques images d’introduction, tout était déjà dit. On se rend compte au bout de quelques minutes que le film s’interrompt en réalité dés que survient le premier mort dans l’intrigue, d’où le titre.

La vidéo d’Angela Detanico et Raphael Laïn, consiste en un défilement ultra rapide des pages successives de The Waves de Virginia Wolf. Le texte est illisible mais le cadrage est calculé de telle sorte qu’au centre de l’image, six mots récurrents et un point d’interrogation surgissent avec netteté: «What if suddenly nothing else moves ?». L’impression est troublante et poétique; un texte (potentiellement plusieurs) se cacherait au cœur du texte à la façon d’une image subliminale?

Nathalie Elémento poursuit sa réflexion autour des éléments mobiliers qui constituent notre environnement domestique. S’installer (2006) est un radiateur sculpté comme une enceinte, un enclos, un espace à investir, à habiter: curieuse fusion entre la sensation de chaleur d’un foyer et l’abstraction du dessin d’un intérieur déployé dans l’espace d’exposition.

Untitled (Sarah) (1998), la photographie de Michel François est une photographie qui en cite une autre de William Klein Gun I, New York 1955. L’image citée est celle d’un enfant qui met en joue le spectateur, bras tendu, revolver au poing et au premier plan. Celle de François laisse le premier plan dans le flou, de telle sorte qu’il est impossible de déterminer de ce que l’enfant tend vers nous: tout se joue dans son regard et l’intention qui s’y cache.

La vidéo Sans titre (2003-2005) de Laurent Grasso, se résume en un travelling arrière dans les rues désertes de Paris qui sont peu à peu envahies par une épaisse et lourde brume qui englobe tout par le centre de l’image. Le trucage est d’une simplicité confondante, l’effet l’est tout autant. Cette inexorable et toxique invasion de l’image exerce sur le spectateur une étrange fascination contemplative qui n’est pas sans rappeler celle que les pires catastrophes suscitent sur la foule paralysée et médusée.

Quelque chose en moins, quelque chose en plus, de Pierre Bismuth, appartient à une série de pièces éponymes créées en 2001 à partir de murs et de cloisons d’exposition, sorte de citation ironique du principe minimaliste du less is more. Ici, des disques ont été découpés dans la moquette bleue laissant apparaître, à intervalles réguliers, le sol bétonné, ce qui peut donner l’occasion d’y placer ici et là des sculptures…

Enfin, dans cette présentation d’œuvres de qualité entre lesquelles se jouent diverses et subtiles associations, il ne faut pas manquer les formidables caniches en mousse à raser de Michel Blazy. Œuvres éphémères et dérisoires qu’il s’agit de régénérer chaque jour en les recouvrant de cette mousse blanche si délicatement parfumée. Un petit toilettage quotidien de la sculpture en somme.

Angela Detanico et Rafaël Lain
— The Waves, 2005. Vidéo couleur.

Nathalie Elemento
— S’installer, 2006. Métal, résistances électriques.

Michel François
— Sans titre (Sarah) , 1998. Photographie noir et blanc.

Laurent Grasso
— Sans titre, 2003-2005. Vidéo noir et blanc.

Wade Guyton
— Sans titre, 2006. Impressions jet d’encre.

Mathieu Lehanneur
— Elément O, 2006. Spiruline.
— Elément Q, 2006. Diffuseur de fumée.

Anthony McCall
— You and I, Horizontal, 2005. Installation.

Walter Niedermayr
— Rifugio Livrio 1, 1996. Photographie couleur.

Bruno Peinado
— Sans titre, 2003-2006. Dimensions variables.

Henrik Plenge Jakobsen
— Chillum, 1998. Bois.

Christophe Berdaguer et Marie Péjus
— Mi(e)s Conception, 2005. Installation.

Pierre Bismuth
— Quelque chose en moins quelque chose en plus, 2005. Moquette bleue.
— Respect The Dead, 2001-2006. Vidéo.

Michel Blazy
— Blacky, 2005. Mousse.
— Pussy, 2005. Mousse.
— Skippy, 2005. Mousse.

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