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Striking a Nerve

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Des autoportraits oniriques de l’artiste en garçonne, en sorte d’Ophélia punk. Une peinture d’aujourd’hui traversée par les échos des préraphaélites anglais du XIXe siècle.

Les autoportraits de Judit Ström la représentent toujours dans la même position d’attente, d’écoute. Les yeux fermés, aucun regard ne vient provoquer le spectateur. Les grands cils noirs viennent se poser comme une aile sur le visage de la belle endormie. Comme une colombe se lovant sous ses plumes, la jeune fille s’endort tranquilement à l’abri derrière ses paupières baissées. Le recueillement de cette position favorise l’introspection, et laisse échapper les pensées secrètes de la jeune fille. Le contraste entre cette quiétude, qui vire souvent à l’abandon, naît des explosions de couleurs qui apparaissent ici et là.

Les coiffures sont brossées très nerveusement en vert, rouge, jaune, orange. Des éclaboussures noires viennent compléter la composition. Les membres longs et graciles sont dessinés à la plume. Le trait est irrégulier et noir, il dessine une silhouette fragile et déguingandée. Les portraits représentent un être chétif avec des bras, des ongles et des cils démesurément longs. Le tout enveloppé dans une pose d’attente à la belle au bois dormant.

La gestualité de la peinture, comme le tracé très graphique, s’accordent très bien, paradoxalement, avec cet abandon onirique. Les portraits représentent une garçonne façon punk. Mais ces images lorgnent plus vers les préraphaélites anglais du XIXe siècle. Avec ses coudes levés, ses bras en l’air, notre Ophélia ne se noie pas, elle ne dérive pas au fil de l’eau, mais se perd dans ses songes. Elle flotte, lévite. L’élément aquatique présent chez Millais est remplacé par des pensées plus aériennes.

Ces autoportraits, chargés d’intentions autant que d’inconscient, oscillent entre force et calme. La contradiction apparaît lorsque la toile est griffée, éclaboussée, striée, en un mot malmenée. La charge est aussi violente que localisée. Le geste est maîtrisé presque calculé. Sa spontanéité semble plus attendue que lâchée. Il y a derrière ces tâches, derrière cette nervosité, quelque chose d’imposé.
L’exercice semble obligatoire mais irréfléchi. Dommage, car cela donne à l’ensemble le sentiment de ne pas être totalement contrôlé. Les motifs récurrents comme les éclaboussures, la peinture étalée au couteau, ou des motifs répétés au pochoir, donnent l’impression d’être artificiels, alors qu’ils devraient alimenter le vocabulaire et la grammaire de la peintre.

Crookedness, 2002. Acrylique sur toile. 140 x 170 cm.
It’s the way your shoulders strake and what they’re shaking for, 2002. Acrylique sur toile. 230 x 180 cm.
Mariane, 2002. Acrylique sur toile. 140 x 170 cm.
She Knows, 2002. Acrylique sur toile.
Before you Close your Eyes, 2002. Acrylique sur toile.
When I close my Eyes, I can still see your Face, 2002. Acrylique sur toile.
Some Days, 2002. Acrylique sur toile.
Transient, 2002. Acrylique sur toile. 130 x 90 cm.
The Querest of the Queer, 2002. Acrylique sur toile. 240 x 290 cm.
Today we Escape, 2002. Acrylique sur toile. 140 x 170 cm.
Striking a Nerve, 2002. Acrylique sur toile. 240 x 290 cm.
Let your Fingers do the Walking, 2002. Acrylique sur toile. 80 x 80 cm.

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