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Station faciale

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@12 Jan 2008

Finizio décrit la transformation d’une pièce de sa maison en salle de travail capitonnée, dans laquelle il regarde des semaines durant sur son écran de télévision des catastrophes enregistrées jusqu’à ce que l’horreur lisse prenne forme, via les modulations de son sphincter... Comment redonner forme humaine à l’horreur?

« Voici la salle où je travaille ». Etrange station de recherche que celle dont nous parle Francesco Finizio à la galerie Corentin Hamel. Face aux résultats surprenants de vingt jours de travail (8-28 octobre), Finizio nous décrit la transformation d’une pièce inutilisée de sa maison en salle de travail capitonnée, dans laquelle, nourri de boissons sucrées et de purée, il se concentre des semaines durant sur son écran de télévision. Francesco Finizio regarde des catastrophes enregistrées jusqu’à ce que l’horreur lisse prenne forme, via les modulations de son sphincter entré en résonnance avec elle (Contact Club).

Que font les enfants pendant ce temps là ?
La Baby-Sitter, justement, est à l’entrée : Dans un petit salon télévisé anthropomorphisé, deux écrans-yeux diffusent en boucle l’image d’un drôle de type mousseux crachant de façon peu convaincante sa fumée. Benigne celle-ci, la même qu’on obtenait lorsqu’on demandait à Rebecca, la fille au pair, de faire le dragon avec sa clope. En moins bien.
Rien de trop angoissant pour les enfants, d’ailleurs tout à fait capables de se faire des visages amis dans l’informe. Bonhomme-boue, bonhomme-barpe à papa, bonhomme-mousse-à-raser…
Mais le salon est la plupart du temps désert, et la purée qui durcit ressemble à un mauvais présage. Le bonhomme-mousse-à-raser, les dents pourries, nous laisse avec le pressentiment d’un informe encore pire, plus énorme, moins circonscrit, indomptable. Et l’enfant alors? Disparu? Avalé par la langue moquette de la baby sitter?

Avalé, et devenu à son tour image, comme celles de ces bébés suceurs de télécommandes qui circulent sur internet (Deux photos).
A l’aide! demandera plus tard Finizio, que de petites mains innocentes viennent manipuler mon corps-télécommande. Car cette fois il s’agit pour l’enregistreur-retransmetteur de traumatismes sociaux d’être au plus près du signal et d’atteindre un degré de performance inégalé (ou perdu ? voir le visage calme des bébés contre les grimaces tordus des adultes dans les Deux photos) .

Ici plus de fuites, pas d’interférences: le conduit qui mène les ondes de la télévision vers Finizio, via le concentrateur, est soigneusement étanche. Seul ou accompagné dans cette tâche difficile, Finizio va tenter de «Dompter l’informe, sculpter le virtuel, sauver le monde».

Proche de nous tous présents à sa maternité des merdes, solidaire dans la pathologie, Fransceco Finizio nous rend encore une fois service (voir son représentant public personnel, pour lequel il se proposait notamment d’ « assurer nos apparitions en public »).
Société coincée au stade anal, merdique, attachée à son argent (équivalence argent-merde en psychanalyse) comme à ses marques (ce que Finizio conserve dans son exposé : Chaussette Adidas, bassine Curver, mon Sony, etc.), que faire quand le jeu du contrôle (rétention-expulsion), d’ordinaire jouissif, dégénère et explose?
Comment redonner forme humaine à l’horreur?
Rester planter là, en station faciale, et pointer du doigt sur l’écran le spectre d’un innocent dans la fumée. Et pour Finizio, aller jusqu’à le matérialiser.

— 8 octobre-28 octobre, 2004. Série de 20 photos.
— Baby-Sitter, 2003. Sculpture-vidéo.
— Contact club, 2004. Photo, tirage papier.
— 2 photos, 2004. Série de 10 photos.
— How I Made Fluffy, 2004. Sculpture-vidéo.

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