ART | CRITIQUE

State Britain

PMagali Lesauvage
@10 Mar 2008

Le Musée d’art contemporain du Val-de-Marne accueille l’installation-manifeste State Britain de Mark Wallinger, l’un des artistes britanniques qui ont émergé dans les années 1990. Pour Mark Wallinger, l’activité artistique ne se dissocie pas de la dénonciation politique et sociale.

Lauréat du Turner Prize en 2007, Mark Wallinger fait partie de cette génération d’artistes émergents dans les années 1990, et regroupés sous le vocable de «Young British Artists» (YBAs), qui bénéficièrent d’une mise en avant très volontariste de la part du marché de l’art (notamment par la Saatchi Gallery qui organisa plusieurs expositions «Young British Artists» au début des années 90), puis des institutions artistiques britanniques, notamment avec l’exposition «Sensation» en 1997 à la Royal Academy.

Faire «sensation» est bien l’un des buts de ces artistes (parmi lesquels Damien Hirst, Tracey Emin ou les frères Chapman) que l’on a regroupés tant bien que mal autour de cette idée de «choc», qu’il soit visuel ou mental.

Pour Mark Wallinger, l’activité artistique ne se dissocie pas de la dénonciation politique et sociale, même si elle peut emprunter des voies détournées : après avoir réalisé une série de portraits de sans-abri, intitulée Capital, au début des années 1990, il peint des courses de chevaux, avant de se consacrer, notamment sur le mode de la sculpture et de la vidéo, à des thèmes religieux.

State Britain marque le retour de l’artiste dans le champ du social. La vaste installation présentée actuellement au Mac/Val est une sorte de monument de protestation. Empruntant au réel,  l’œuvre reproduit l’«installation», au sens propre du terme, d’un militant pacifiste célèbre outre-Manche, Brian Haw, qui, de 2001 à 2006, a fait le siège du Parlement britannique, le palais de Westminster, pour dénoncer la guerre en Irak et autres horreurs économiques et politiques.

Sur une longueur de quarante mètres se déployaient banderoles, objets et messages donnés par le public ou accumulés par Brian Haw, qui bénéficiait jusque récemment de la protection de la Grande Charte de 1215 autorisant les citoyens à contester le pouvoir, avant qu’une loi anti-terroriste n’interdise toute manifestation publique dans un rayon d’un kilomètre autour du Parlement.

Ce périmètre partage en deux la Tate Britain, située à proximité : State Britain, qui y fut installée début 2007, y était partagée en deux zones, légale et illégale. Si l’œuvre perd au Mac/Val de sa force de contestation en raison de sa neutralité géographique, la détermination de l’artiste reste perceptible.
Mark Wallinger a en effet non pas prélevé, mais reproduit méticuleusement chaque banderole et objet (poupées, drapeaux, bougies, etc.) du siège, à la manière d’un monumental ready-made. Transposée dans l’espace muséal, la manifestation de  Brian Haw devient monument, œuvre, et restitue à l’institution la capacité de porter le débat sur la place publique, de revenir au cœur de la cité.

Mark Wallinger
— State Britain, 2007.

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