DANSE | CRITIQUE

Springville

PCéline Piettre
@10 Déc 2011

Artiste visuelle, performeuse toujours sur les routes — elle cumule en ce moment une tournée en Europe et une création — la belge Miet Warlop se qualifie elle-même d’hyperactive. Pas étonnant que le mouvement envahisse presque systématiquement ses installations, et finisse par contaminer les objets qui s’y trouvent, «réanimés» ou carrément incarnés comme ici dans Springville.

Sprinville a tout, en apparence, de la pièce classique: une scène, un décor, des interprètes, une intrigue, des effets spéciaux (aussi artisanaux soient-ils !), des tragédies, du rire, et un dénouement. Mais, dans ce théâtre muet — le texte seul manque à l’appel —, les personnages n’existent que par les rôles qu’on veut bien leur donner. Mi-hommes, mi-objets empêtrés dans des corps hybrides, exclus en lisière des catégories, «dérangés», ils ne sont pas grand-chose sans l’intervention de notre imaginaire. D’où une certaine détresse (celle des êtres inventés seulement pour quelques réprésentations) qui nous émeut, et donne d’emblée un ton tragi-comique à la pièce.

De leurs déplacements sur scène naissent des situations cocasses, des rencontres — entre un carton timide et une table aux jambes effilées —, des querelles, des micro drames. Tyrannisés par un «consommateur» tout puissant, démiurge intraitable, exploités jusqu’à l’épuisement, comme ce commutateur qui «pète» littéralement «les plomb » à force d’être vidé de sa substance électrique, ils vivent leur solitude et leur égarement devant nos yeux intrigués (et amusés). Chacun d’eux, prisonniers de sa fonction ou de sa différence, encaisse, impuissant, les petites catastrophes qui lui tombent dessus. Ca ne vous rappelle rien?

S’il est d’abord réjouissant d’aller à la rencontre de ces personnages parachutés dans un quotidien qui ressemble singulièrement au notre, si leurs aventures en disent long sur nos rapports avec notre environnement matériel (et naturel!), le spectacle s’essouffle vite par un manque de rythme. Nous ne voulons pas monter sur nos grands chevaux, et parler de la dramaturgie d’une pièce qui n’a pas l’ambition d’un théâtre, mais on peut regretter que Miet Warlop n’ait pas orchestré, minuté avec plus de précision son spectacle. Car le burlesque est avant tout la maîtrise du temps et de l’espace, et s’accorde mal avec la spontanéité de la performance. Deux «styles» semblent ici se côtoyer sans parvenir à s’accoupler. Et nous laisse sur une impression mitigée, comme une panne de moteur après un départ en trombe.

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