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Spaces for Fantasy

PMarine Drouin
@31 Mar 2010

De Paris à New Delhi en passant par Copenhague et Singapour, Space for Fantasy vous conduit entre les planètes créatives de cinq designers, stylistes et plasticiens. Une exposition qui ne célèbre pas la transversalité des projets artistiques pour leur confusion des genres, mais laisse émerger entre les disciplines une dimension dite « extra-visuelle »: la fantaisie.

Audrey Mascina, commissaire de l’exposition, est directeur artistique. Un croisement de compétences et le passage de la page à l’espace. Sur le support de magazines d’humeurs contemporaines, elle analyse la façon dont l’art, la mode, le design et la musique entrent en résonance. A la Galerie des galeries, elle invite cinq créateurs à transmettre leur vision de la fantaisie.

Space for Fantasy renvoie au genre qui allie Space Opera et Fantasy. En français, la fantaisie est perçue comme hors de propos, du détail le plus futile aux échappées les plus excentriques. Le terme anglophone signifie davantage: on reconnaît à cet équivalent de l’imaginaire du rêve un certain nombre de codes. Dans ses fictions, le surnaturel s’installe au sein d’univers créant leurs propres conditions de possibilité.

Aussi pour les cinq artistes invités, la fantaisie participe-t-elle à la création de systèmes de vie, d’autres formes du réel: selon Vincent Olinet, « l’affirmation d’un possible entre mille ». Pour éveiller à ces virtualités, ils convergent sur trois points: une fabrication manuelle comme un savoir-faire utopique, des collages et écritures taguées de Thomas Lélu aux broderies urbaines de Manish Arora ; une forte densité narrative (la contraction fabuleuse d’un secrétaire et d’un palais chez Vincent Olinet) et suggestive (les membranes gonflées de l’environnement corporel et sonore de Henrik Vibskov) ; enfin, ils invitent le spectateur à s’approprier la gestuelle de certaines transformations.

Ainsi la fabrique archaïque de Jerszy Seymour, véritable foyer à la cuve de cire chaude et ses tasseaux de bois à disposition. Le Salon des amateurs engage à réaliser du mobilier avec ses mains. La cire est le liant entre nos désirs et leur mise en forme. Un do it yourself qui célèbre la passion de l’amateur : « le mot amateur signifie amoureux ». Quoiqu’élémentaire, il éveille aux bons sentiments de l’utopie en sollicitant la noblesse du coeur… ou l’énergie libidinale !

Architecture et désir s’allient également au sein de la structure gonflable en camaïeu de rose érigée par Henrik Vibskov. Il répond à la fantaisie par la puissance de transformation du body building. On entre dans un corps aux membranes animées par une grosse soufflerie comme en une animation de carnaval. Son univers sonore vous emmène ailleurs, entre les échelles de l’organisme et d’un environnement fantastique, sur le rythme de pulsations amplifiées.

On se croirait aussi dans un conte auprès de l’étrange pièce de mobilier de Vincent Olinet. Secrète, elle tourne le dos au visiteur qui, de tiroirs en niches reconnaît d’abord un secrétaire… pour enfin découvrir les fastes d’un palais. Une maison de poupée néanmoins déceptive, étonnante de banalité malgré son caractère hybride. L’artiste lui-même l’analyse ainsi: « Un espace dédié à l’imaginaire est un paradoxe en soi. La réalité qui (…) le dévoile à nos regards est aussi ce qui fixe définitivement l’imaginaire même dans une forme donnée ».

Manish Arora n’est pas plus dupe du patchwork né de ses rêveries vagabondes. Le collage de clichés qu’il coud sur les housses de cinq poufs de salon correspondant aux cinq capitales de son inspiration, est renforcé (qu’est-ce qui est renforcé, le collage ?) par l’artifice de néons fluorescents. Un cocktail d’artisanat et de pacotille, de cultures populaire et élitiste sous les broderies folkloriques d’un styliste futuriste…

Enfin, avec ses phrases bombées sur des stars de papier glacé, Thomas Lélu dénote et détonne. Loin d’être onirique, l’univers de cet artiste qu’on pourrait qualifier d’ hyper-créatif est ironique. Sa fantaisie est son regard acéré, sa liberté de ton. Quand il saccage avec du blanc et du noir deux pages de magazines, c’est pour relancer la pensée en marche, retrouver la dialectique par l’altérité. Audrey Mascina parle d’œuvres « extra-visuelles » parce que leur raison d’être réside à la fois en deçà et au delà de ce qu’elles donnent à voir, comme l’énergie émancipatrice et précise d’un mode de vie.

Henrik Vibskov
Body Building, 2010. Toile de Nylon gonflée, compresseurs à air, néons enceintes, lecteur MP3.
Henrik Vibskov
Body Building, 2010 (détail). Toile de Nylon gonflée, compresseurs à air, néons enceintes, lecteur MP3.
Jerszy Seymour
Amateur workshop, 2010. Bois, wax polycaprolactone.
Manish Arora
Jet Seating, 2010. Vinyle, Resine, soie, chiffon, lurex, sequins, pierres, moquette blanche et néons.
Thomas Lélu
What Ever You Want, 2010. Peinture acrylique sur page de magazine.
Vincent Olinet
Chute d’un Empire, suite et fin, 2010. Bois, cuir, verre, éléments miniatures. 105 x 120 x 130 cm.

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