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Souvenirs de S II …

07 Nov - 20 Déc 2008
Vernissage le 06 Nov 2008

Paul-Armand Gette photographie le moment passé avec Sophie. Nulle esthétisation, nulle mise en scène, nul effet documentaire, ses polaroïds attestent du jeu qui anime l’artiste et son modèle. Elles donnent à voir une nudité retenue et même si elle n’est pas ostentatoire, elle provoque un malaise : celui du désir.

Communiqué de presse
Paul-Armand Gette
Souvenirs de S II …

Paul-Armand Gette est connu, célébré, Joyeux Noël (1), mais P.A.G. détonne. Doyen du paysage artistique français contemporain, il n’entre dans aucune case, tout juste serait-elle bonne à classer végétaux et minerais accumulés çà et là lors de balades ; hommage à cette fois, lointaine, où l’Etna lui a présenté ses délices. Et s’il taquine les catégories, s’amuse des étiquettes, c’est pour mieux profiter de l’espace de jeu qu’est l’art. Honni ou adulé, il avance à contre-courant.

Sa pratique photographique n’est pas celle d’un professionnel. A une époque où la tendance est à la professionnalisation, Paul-Armand Gette utilise le polaroïd. L’importance est donnée aux soubresauts du modèle et non à la technicité de la prise de vue. Ou bien l’appareil se fait oublier, ou bien il participe de l’échange.

Il n’est surtout pas le point nodal de la démarche artistique de P.A.G. Il est là pour enregistrer le dérapage, cet instant limite qui échappe au contrôle du modèle et que guette l’artiste. L’image résultante doit attester d’une intensité et non d’un procédé technique brillamment maîtrisé.

Et si cette série met à l’honneur Sophie, c’est le moment passé avec elle auquel ses photographies renvoient. Nulle esthétisation, nulle mise en scène, nul effet documentaire, ses polaroïds attestent du jeu qui anime l’artiste et son modèle ; un jeu dont les règles ne sont jamais postulées.

C’est pourquoi, tout dans la démarche artistique de P.A.G. renvoie à un temps précis : il n’y a aucun effet de réel, tout est vrai. Tout d’abord, les titres des oeuvres ne sont pas descriptifs mais expressifs : « Quelle aventure ! », « Découverte ! », ces exclamations ancrent dans un moment vécu auquel le spectateur prend part se voyant finalement lui aussi destinataire de ces apostrophes, voire de ces interrogations, « Où as-tu trouvé ça ? ».

Ensuite, sous chacun des polaroïds, présentés soit en diptyque, soit en triptyque, sont inscrits deux lettres ou deux numéros croissants qui laissent tout à penser qu’ils correspondent au déroulement chronologique de la séance. Enfin, l’intervention dans le cadre du bras de l’artiste, paré d’une montre, est une manière métaphorique d’évoquer à nouveau l’instant, le moment précis de la photo. Tout, dans la situation d’énonciation mise en place, ancre dans un ici et maintenant certains.

De là, justement, naît le trouble. Car les photographies de Paul-Armand Gette sont un jeu de caché-montré. Elles donnent à voir une nudité retenue et même si elle n’est pas ostentatoire, elle provoque un malaise : celui du désir.

Le spectateur devient partie prenante de l’oeuvre. Il est face à la confiance intime qui lie l’artiste à son modèle, teintée d’une grande liberté, et il est troublé. P.A.G. offre un travail qui flirte avec les pulsions mais qui ne verse jamais dans le grotesque. Il interroge le processus d’appropriation d’une oeuvre d’art par des moyens directs, non détournés.

Cette série exploite pleinement la matière « fantasme » qui n’a ici d’existence que dans l’espace, réel, de l’art, ce qui devrait la prémunir de toute censure puisque le spectateur est libre de faire entrer l’hédonisme de l’intime dans son imaginaire, le sublimer et le faire participer à sa propre émancipation.

Or, le travail de P.A.G., toujours entre deux registres et régi par le principe de glissement, ne fait pas systématiquement l’unanimité. Est-il nécessaire d’évoquer la vague de pudibonderie qui souffle actuellement sur le paysage artistique français ? Qui, après Kiki Lamers, Paul-Armand Gette, se verra tomber sous les foudres des censeurs crispés ? Sans provocation ni même sentiment de transgression, P.A.G., le 17 mai 2007 dans son blog, soulève la question de la place de l’art : « aujourd’hui où l’obscur gagne du terrain, où les bons sentiments servent de justification à la censure » qui aura le courage d’avoir pour programme « l’élargissement des fantasmes » ? « J’aime beaucoup l’expression familière « faire son cinéma ». »(2)

Aussi, aujourd’hui plus que jamais, les polaroïds de Paul-Armand Gette nous rappellent comme il est difficile d’aborder certains sujets qui, à force de crispations d’ordre moral, deviennent des tabous. C’est donc en creux que la pratique artistique de Paul-Armand Gette s’inscrit. Il ne témoigne certes pas de l’évolution technique actuelle de la photographie, ni même d’un désir de s’inscrire dans son temps par des sujets politiques, mais les thèmes qu’il aborde avec la fraîcheur toujours renouvelée du désir apportent un heureux contrepoint, mâtiné d’un esprit libertin, qu’il ne s’agirait pas de balayer d’un revers de main.

(1) Joyeux Noël est une installation de Paul-Armand Gette présentée au CAPC de Bordeaux en 2000 lors de l’exposition censurée « Présumés innocents ».
(2) Extrait d’une interview donnée en 2003 pour le site www.paris-art.com.

Vernissage
Jeudi 6 novembre 2008. 18h-21h.

critique

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