ART | CRITIQUE

Something More Abstract

PEmmanuel Posnic
@12 Jan 2008

Peinture esthétiquement proche du design, affichant une certaine neutralité dans son discours, réintroduisant dans son sujet la tentation décorative et le dépouillement idéologique.

La grande force des œuvres de Stéphane Dafflon est de nous plonger d’emblée dans le motif répété, perçu comme la signature à la fois exigeante et ironique d’une peinture qui dialogue sans complexe avec le décoratif. Un travail qui prend acte non pas de la fin de la peinture mais de sa réinvention.
Dafflon expose trois toiles et une installation chez Air de Paris. Trois acryliques sur toiles d’une hauteur semblable (250 cm) aux tons légers glissant sur le rose, affichant même un blanc presque total. Les formes sont simples, presque fragiles et les lignes épurées suggèrent la présence d’objets ou de sensations familières (le moelleux du coussin, l’ossature métallique d’un ressort, la fenêtre, le store, etc.) aussi bien qu’elles se rapprochent du vocabulaire graphique de la musique techno (flyers, pochettes de disque, etc.).

La peinture de l’artiste ne cherche pas la discrétion. Ses tableaux de grandes dimensions étouffent la salle jusqu’à la saturation : les toiles, qui occupent chacune un mur, surprennent par leur présence «physique». Un choc visuel un peu abrupt qui modifie la qualité sensorielle des œuvres. Celles-ci officient finalement non pas comme des tableaux mais plutôt comme de véritables pans de mur. Avec la densité, la frontalité que cela implique pour le spectateur. Avec également la fonction que cela induit : la peinture de Stéphane Dafflon affiche de cette manière une certaine neutralité dans son discours, réintroduisant dans son sujet la tentation décorative et le dépouillement idéologique. C’est une peinture proche de l’objet dans son souci de parler de la matière ou de rendre compte de la structure, et esthétiquement proche du design : les motifs déclinés en série captent les rondeurs classieuses des formes et les séduisantes vibrations des couleurs.

C’est aussi une peinture désenchantée, désublimée, consommant sa rupture avec l’histoire du médium. Dafflon réalise ses toiles après avoir au préalable créé le motif sur logiciel. Il puise ses sources dans le langage d’une société de consommation rompue à l’immédiateté de l’image publicitaire, à la radicalité du visuel industriel et à la fascination du logo. Sans pour autant briser l’abstraction comme mode de réalisation.

L’installation est le manifeste de cette peinture, une version aboutie de son mystère. Silent Gliss 1056 est formé par deux arcs en verre montés sur une armature métallique et posés au centre de la salle. Parenthèse échappée du tableau, l’œuvre donne corps aux dernières recherches picturales de l’artiste : elle affirme le champ et la profondeur sous-jacents dans sa peinture et confirme le déni du plan, l’abandon du tableau considéré comme une surface à sujet.

Stéphane Dafflon :
de droite à gauche :
— AST037, 2003. Acrylique sur toile. 250 x 250 cm.
— AST036, 2003. Acrylique sur toile. 250 x 400 cm.
— AST037, 2003. Acrylique sur toile. 250 x 200 cm.

au centre :
— Silent Gliss 1056, 2004. Sétacryl, métal. Dimensions variables.

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