ART | CRITIQUE

Some Time Waiting

PJulia Peker
@12 Jan 2008

Some Time Waiting met en scène un temps étiré par l’attente et l’incertitude, arraché au calcul des heures et au rythme de l’action.

Ramené à la page structurée de nos agendas, le temps s’organise et se partage, se découpe et se répète. Les heures rythment le défilement des jours, introduisent ordre et mesure dans ce qui se déroule insensiblement.

L’exposition organisée par Adam Carr à la Fondation Kadist met en scène un autre temps, étiré par l’attente et l’incertitude. Some Time Waiting rassemble des œuvres de quinze artistes internationaux pour se déployer en plusieurs actes.
La première phase de l’exposition était confiée à Mungo Thomson. Un flot d’applaudissements enregistrés lors des concerts de Bob Dylan accueillait le visiteur, impatient de pouvoir lui aussi apprécier l’objet de cet enthousiasme. L’installation était pourtant suspendue à cette attente trompée, et le visiteur condamné à l’impression d’arriver trop tard.

L’exposition s’est ouverte par ce tomber de rideau: le spectacle de Some Time Waiting succède à ces applaudissements finaux, prolonge de ses harmonies collectives l’attente frustrée mise en scène par Mungo Thomson. Toutes les œuvres assemblées prennent à rebours nos attentes, prolongent l’instant présent d’imprévisibles suites sans enchaînement cohérent.

Jonathan Monk multiplie d’absurdes rendez-vous manqués et insolites. La série photographique Waiting For Famous People le représente dans des aéroports, debout une pancarte à la main. L’artiste accueille patiemment l’arrivée de James Brown ou autre personnage, aussi célèbre qu’improbable.

L’attente qui s’obstine est livrée à elle-même au point d’oublier son objet. La vidéo en boucle de Johanna Billing, Project For a Revolution, capte l’intensité muette et inquiétante qui se dégage d’une attente mystérieuse. Un groupe de jeunes gens se réunit et patiente en silence. Soumis à cette vacuité exaspérante, leurs corps s’agitent timidement sous le frémissement de l’ennui. L’incertitude autorise tous les scénarios, et s’amplifie en inquiétude.

L’attente qui se prolonge semble toujours être déçue. Il faut pourtant dissocier l’attente de tout objet et de tout dénouement pour pénétrer le temps de cette exposition.
L’horloge de Kris Martin, Mandi II, insuffle son rythme à l’ensemble: les volets tournants scandent le défilement des secondes et des minutes, mais les chiffres ont été effacés. Le temps passe qu’on puisse tenir le compte des heures, et ces chiffres muets laisse voix au seul temps vécu.

Tous nos repères sont autant de manières d’apprivoiser le temps, de transformer sa réalité confuse en une ligne avançant vers du passé vers l’avenir. Au sein de ces organisations structurées, l’attente nous initie à guetter un objet improbable, à accueillir l’inconnu.

«J’aimerais que ma vie ne laissât après elle d’autre murmure que celui d’une chanson de guetteur, d’une chanson pour tromper l’attente. Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique» (André Breton, L’Amour fou).

Some Time Waiting prend ici le relais de la langue poétique, pour arracher la réalité fuyante du temps au découpage des heures et à l’organisation de l’action. Sans cesse complétée et modifiée par l’arrivée de nouvelles œuvres, l’exposition ne cesse d’annoncer l’advenue d’autre chose, comme le signale le néon installé en vitrine par Pierre Bismuth, Coming Soon.

Ryan Gander
— The Grand National, 2005. 5000 flyers.

Pierre Bismuth
— Coming Soon, 2005. Néon (diamètre 10 mm) et séquenceur 150 x 84 cm.

Dan Rees
— The Postman’s Decision is Final, 2006. Cartes postales. Dimensions variables.

David Lamelas
— Time, 1970. 2 photographies noir & blanc. 133 x 28 cm / 55 x 66 cm.

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