DANSE | SPECTACLES

Soirées Singulières (féminines). Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis.

01 Juin - 03 Juin 2015
Vernissage le 01 Juin 2015

Pour ces soirées singulières, entièrement féminines, le théâtre du Colombier accueille quatre solos de chorégraphes internationales (Brésil, Corée du Sud, Japon, France), autour des questions du mouvement, du désir, de l’espoir et du rituel. Des soirées placées sous le signe de la rencontre et du dévoilement.

Alice Ripoll, Camila Moura, Son Hyejeong, Moto Takahashi, Malika Djardi
Soirées Singulières (féminines). Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis.

— Alice Ripoll / Camila Moura, O princípio da casa dos pombos, solo, 40 min
O princípio da casa dos pombos offre un mariage parfaitement réussi entre l’acrobatie et la danse contemporaine. Orchestré par la chorégraphe brésilienne Alice Ripoll avec pour interprète Camila Moura, acrobate qui danse ici son premier solo, cette pièce est construite comme une succession de tableaux, dans lesquels un être (il importe peu ici que celui-ci soit une femme) cherche une place confortable, sans jamais y parvenir totalement. Au début, le corps a quelque chose de la bouderie enfantine, semblant se demander ce qu’il peut bien faire ici, à plat ventre sur le plateau. À moins qu’il ne s’agisse d’un insomniaque cherchant désespérément le sommeil et donc des biais, des jeux pour se distraire ou s’endormir, qui sont ici une série de contorsions à la fois impressionnantes et drôles car légèrement décalées de leur terrain d’origine – le cirque, jouant de leur côté bancal, frôlant avec l’art du clown. Confronté à une série d’éléments du quotidien, qui n’ont l’air de rien — un aquarium que l’on peut prendre pour une table basse, une chaise poilue… — il lui faut à chaque fois, déployer des trésors d’inventivité pour «faire avec», tomber et se relever. Alice Ripoll compare ce personnage à un ruminant en processus constant de mastication et de digestion. Et c’est bien de cela qu’il s’agit: avec ses contorsions, son expressivité et un certain laisser faire burlesque et poétique, O princípio da casa dos pombos offre une image de la vie où le travail d’ajustement est infini, comme un mouvement constant d’adaptation et de recherche.
Direction artistique: Alice Ripoll
Création, interprétation: Camila Moura
Entraînement corporel: Julio Nascimiento
Scénographie, costumes: Raquel Theo
Direction musicale: Daniela Castanheira
Création lumières: Andrea Capella

— Son Hyejeong, GUNGJI-dilemma, solo, 15 min
Dans une lumière rouge qui évoque les peep-shows et les maisons closes, un corps est épinglé, suspendu à l’envers. Seules ses jambes bougent, s’agitent, comme indépendantes, telles les pattes d’une araignée qui parcourrait sans cesse sa toile dans l’espoir d’en sortir. Puis elles se fondent dans le noir avant de réapparaître, vives, comme prises au piège.Tout est là: GUNGJI-dilemma explore la manière d’investir un espace qui est autant une cage dont il faudrait s’échapper qu’une zone à apprivoiser, dans les limites qui lui sont assignées. La musique, stridence répétée, obsessionnelle, parfois complétée par une voix grave qui semble énoncer des ordres, fait écho à cet enfermement, matérialisé par par la lumière qui découpe la scène. Parfois le corps se lance à l’assaut, virevoltant comme une toupie sous pression à travers la scène, d’autres fois, il est condamné au surplace où il se débat. Mais c’est aussi de possession et de dépossession de soi-même dont il est ici question: SON Hyejeong observe parfois son corps comme s’il lui était étranger et qu’il lui fallait vérifier qu’il s’agit bien du sien, à l’image de son costume qui, selon la lumière, évoque soit un vêtement soit un tatouage incrusté dans la peau. Avec une précision, une intensité, une puissance et une virtuosité saisissante, la danseuse et chorégraphe se projette ainsi dans une quête sans cesse recommencée, «du début, là où tout commence, comme le début, là où tout commence, retombant au début où tout a commencé, hurlant le début.»
Chorégraphie, interprétation: SON Hyejeong
Musique: KANG Taewon
Création lumières: AHN Jihyun
Costumes: SON Hyejeong

— Moto Takahashi, KIBOU ga doutoka, solo, 21 min
En japonais, kibou signifie «espoir». «Je ne sais pas si l’espoir existe ou non, mais il semble y avoir un sentiment d’attente quelque part en moi. Si ce sentiment subtil disparaissais, je disparaîtrais aussi», dit Moto Takahashi. Dans son solo, l’attente prend des tonalités diverses. D’abord sombre et désemparée, avec la figure d’un SDF traînant un sac plastique et tournant en rond, puis de plus en plus combative et solaire, et finalement apaisée. Car le sac plastique du clochard se vide d’offrandes de papiers de couleur et libère en quelque sorte la gangue dans laquelle Moto Takahashi était enfermée. Au son d’une musique électro où l’emportent parfois quelques riffs de guitare ou la présence martelante de la batterie, elle se livre alors à une danse très rythmique, qui évoque tour à tour le hip hop et les arts martiaux, et revient à une quête, un tâtonnement, aux prises avec des forces qui la dépassent. Puis elle retrouve une danse où la vitesse et la virtuosité se conjuguent avant de tomber, de s’arrêter et d’observer. Comme si, partant d’un deuil impossible et toujours recommencé, elle parvenait à revenir au monde, à redessiner les contours qui lui permettent de revenir du côté du vivant, à se remettre dans le mouvement. À l’image des couleurs successives dans lesquelles le plateau est baigné, dans KIBOU ga doutoka, rien n’est fixe et définitif, tout est changeant. Et c’est peut-être simplement cela, la figure de l’espoir.
Conception, interprétation: Moto Takahashi

— Malika Djardi, Sa prière, solo, 35 min
Dans Sa prière, Malika Djardi a pris comme point de départ la pratique de sa mère, convertie à l’Islam et fervente pratiquante. À partir d’entretiens réalisés avec elle, la chorégraphe et danseuse instaure une sorte de solo «documentaire» où, tandis qu’est diffusée la voix-off de sa mère, elle investit le plateau en silence et en danse.
S’installe ainsi un dialogue fait de droites parallèles plus que de carrefours: au récit de la mère, qui évoque la religion et sa pratique mais aussi les relations avec son mari, la vie et ses attentes, répond la danse de Malika Djardi, qui n’illustre pas les paroles mais mène sa propre trajectoire, que l’on sent évidemment différente. Comme lorsque le récit s’interrompt, remplacé par un tube de Rihanna, délivré in extenso, sur lequel Malika Djardi s’élance dans une gestuelle très affirmée, débordante d’énergie. Pourtant c’est bien d’un dialogue qu’il s’agit, dans une relation de liberté et d’affinité assumée. Car loin d’une lutte entre deux conceptions du monde, Malika Djardi explore la zone où, si les chemins sont différents, la mère et la fille sont traversées par les mêmes questionnements. Celui du sens du rituel, de la répétition des gestes, du rapport entre le visible et l’invisible, entre le concret et l’abstraction. Celui de l’engagement, de la quête de ce qui transforme. «Rien n’a de sens que ce qui nous bouge» dit la chorégraphe. Elle affirme ainsi, l’air de rien, que l’important n’est pas tant l’objet que la croyance. Et à «sa prière», elle répond simplement «ma danse».
Conception, interprétation: Malika Djardi
Voix-off: Marie-Bernadette Philippon
Musique: We found love, Rihanna feat Calvin Harris, Tres Morillas, Jordi Savall
Conseil à la dramaturgie: Youness Anzane
Scénographie: Malika Djardi, Florian Leduc
Création lumières: Florian Leduc, Rémy Chevillard.

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