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Slaughterhouse

06 Jan - 17 Jan 2009
Vernissage le 06 Jan 2009

Nelson Aires emprunte les ustensiles du parfait boucher : bancs d’abattages, esses, merlins, aiguillons, dents de loup, couteaux, qu’il détourne au sein de dispositifs plastiques jouant de la frontière entre réel et fictionnel, vu et non-vu, montré et caché.

Nelson Aires
Slaughterhouse

Nelson Aires s’intéresse, au travers de ses oeuvres, aux interstices, qu’ils soient spatiaux, corporels ou temporels. Depuis 2004, il interroge ces entre-deux à partir d’un lieu, l’abattoir, et de son activité, l’abattage. L’exposition « Slaughterhouse » réunit, pour la première fois, un ensemble de productions, majoritairement inédites et créées pour la manifestation, qui se divise entre installations, objets, photos et images numériques.

Une grande partie des pièces ici présentées relève d’une logique de récupération, au sens où l’artiste extrait certains aspects et détails du processus d’abattage, ou de manière plus générale, de l’abattoir, qu’il choisit ensuite de rendre visible.

Ces saisies sont alors exposées sous une double dynamique. D’un côté, il y a les oeuvres-constats, issues de la simple présentation de ces captures, comme les séries photographiques « Testemunhas » ou « Mata Porca », qui présentent, respectivement, les outils utilisés lors d’un abattage rural au Portugal, et différentes scènes extraites de ce même processus de mise à mort animale.

L’action n’est cependant jamais montrée directement, mais tout semble indiquer qu’il se passe quelque chose en dehors du cadre photographique, que le sujet des séries se situe dans un hors-champ. D’un autre côté, il y a les oeuvres dont l’origine se trouve dans le geste de récupération, mais où les objets récupérés – banc d’abattage, esse, merlin, aiguillon, dents de loup, couteaux,…- sont détournés au sein de dispositifs plastiques assimilables à des fictions basées sur faits réels.

Pour exemple, Esse, le crochet de boucher réalisé en argent massif sur lequel le sang est symbolisé par des incrustations de pierres rouges, ou bien encore, Pĕdĭca #02, véritable tapis en inox composé de dents de loup et d’esses qui, une fois assemblés, forment une structure comparable à un piège, ou enfin, Scène de crime, où un néon blanc, placé sous un banc d’abattage, vient symboliser à la fois les pourtours de la flaque de sang qui résulte d’une saignée et le contour, tracé à la craie, d’un cadavre sur le lieu d’un meurtre.

Ces oeuvres tendent à mettre à jour une disjonction du visible, entre ce qui est vu, et qui existe donc, et ce qui tient de la présence-absence, qui est toujours suggéré, souvent entrevu, mais jamais intégralement dévoilé.

L’artiste tente d’exposer le revers des choses, même si pour cela il doit parfois utiliser des subterfuges, qui lui permettent de rendre la traversée de la surface possible. Ce faisant, il invite le public à aiguiser son regard sur le monde qui l’entoure.

Nelson Aires se joue donc de la frontière séparant le réel et le fictionnel, le vu et le non-vu, le montré et le caché, et tend à brouiller la limite qui les sépare habituellement, instaurant ainsi une forme de jeu avec le spectateur. Son travail d’image numérique illustre parfaitement cette démarche.

Monstrum #01
confronte le regardeur à une composition qui oscille entre abstraction et figuration, reconnaissance et méconnaissance. L’identification du sujet n’est pas chose facile, et pourtant, l’image n’est composée que de différentes photos de fragments du corps d’un animal à l’abattoir.

Ce type de création se situe à l’opposé de pièces autoréférentielles, comme Saignée, où le mot composant le titre de l’oeuvre est calligraphié à l’aide d’un assemblage de trente cinq couteaux d’abattage, et où la compréhension de ce que l’on voit est immédiate.

Les oeuvres présentées oscillent donc entre ironie grinçante, poésie, noirceur et biographie. Elles évoquent des questionnements d’ordre sensibles, identitaires, sociologiques et anthropologiques, tout en restant en marge de tout mouvement de contestation ou d’approbation des conditions de mises à mort animale, et proposent, ainsi, un possible nouveau regard sur l’univers de la création de la substance carnée.

Depuis 2004, Nelson Aires focalise son attention sur un lieu, l’abattoir, et une activité, l’abattage. À partir de ces deux pôles, il interroge les entre-deux corps, les mi-lieux et les interstices temporels, au travers d’un ensemble d’installations, d’objets et d’images numériques, qui met en avant la notion d’intermédiaire.

Sa pratique se divise selon deux axes, avec d’un côté, un corps charnel, parfois même viscéral, et de l’autre, un corps invisible, qui s’actualise par son absence, dans des dispositifs aseptisés aux allures industrielles. Cette opposition découle de la dualité véhiculée par l’image contemporaine de l’abattoir, qui doit avoir la netteté d’un bloc chirurgicale alors qu’une telle perception de ce lieu passe sous silence la réalité physique du processus d’abattage.

Le travail de Nelson Aires ne s’inscrit néanmoins pas dans un discours politique de dénonciation ou d’approbation des conditions de mise à mort animale. L’artiste utilise ce lieu et cette activité comme un support, dont il extrait certaines particularités et spécificités, afin de les mettre en scène au sein de ses productions.

Les scénarios de création ainsi développés sont donc profondément enracinés dans un ensemble de réalités sociologiques, anthropologiques et biographiques, que l’artiste dissèque pour en comprendre les fonctionnements. Chacune de ses oeuvres propose alors un nouveau regard sur le monde réel, en général, et sur l’abattoir et l’abattage, en particulier.

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