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Sky News

18 Mar - 23 Avr 2016
Vernissage le 18 Mar 2016

«All right goodnight», un titre en béton pour évoquer les victimes d’un drame aérien. L’installation d’Audrey Martin matérialise notre rapport fétichisé au langage et ce paradoxe moderne consistant à mettre en spectacle la mort pour mieux l'oblitérer.

Audrey Martin
Sky News

La sculpture en béton, longue de 5,30 mètres, intitulée All right good night, fait partie de ces Å“uvres qui prennent toute leur force à l’aune d’une histoire singulière.
En posant à même le sol les mots du titre All right good night composés en lettres majuscules moulées dans le béton, Audrey Martin met en Å“uvre les rapports complexes qui se nouent entre la mémoire, la fugacité et la mise en spectacle de l’information, le langage et la mort.

«All right good night»… Qu’évoque donc cette phrase sans sujet ni verbe ? Il s’agirait des derniers mots prononcés par le pilote du vol MH370 de Malaysia Airlines, disparu mystérieusement le 8 mars 2014 au-dessus du golfe de Thaïlande. En coulant cette phrase – aussi  aérienne qu’incertaine, attribuée qui plus est à un pilote devenu « fantôme » – dans le béton et en l’ancrant fermement dans le sol, Audrey Martin crée à la fois un décalage et une résonance multiples. Il y a d’un côté ce dont on entend parler, la rumeur, et de l’autre ce qui s’impose à notre regard, l’œuvre ; d’un côté ce qu’on déplore, la mort, et de l’autre ce qu’on mythifie, la légende d’une dernière phrase prononcée avant de disparaître. Le contraste le plus saisissant étant certainement celui qui oppose la présence massive de l’œuvre sur le sol à la disparition énigmatique de l’avion dans les airs. Ce qui est précis, solide et permanent semble défier ce qui est incertain, insaisissable et mourant.

Par ailleurs, on peut y voir une réflexion sur la tendance des médias à fétichiser la banalité ambiante du monde. En manque d’images plus parlantes concernant cet événement, ils ont fait de cette phrase une réplique hollywoodienne sonnant comme un titre de rock. On imagine que l’artiste remet en question leur rôle, leur attention vacillante, leur propension à oublier – et nous faire oublier –, leur géométrie variable des événements…

A la question : que peut-il rester d’un drame, surtout lorsqu’il s’agit d’une disparition ? Audrey Martin répond avec sa phrase en béton, sa pierre tombale emplie non de morts mais de mots. Elle souligne notre avidité pour le spectaculaire qui rend notre utilisation du langage de plus en plus récalcitrante et fétichisée et qui nous empêche d’entretenir un rapport à la fois nuancé et ancré à la mort.

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