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Simon Moretti featuring John M. Armleder

PGérard Selbach
@12 Jan 2008

Diversité des médiums employés — néon, tissu, plexiglas, poterie et canevas —, et emprunts ou citations de travaux d’autres artistes. Mais l’imagination de Simon Moretti l’emporte sur le modèle dont elle se libère pour aller vers de nouveaux possibles.

La galerie Chez Valentin offre l’occasion de découvrir, pour la première fois à Paris, un one-man show du jeune artiste italien Simon Moretti qui s’était fait connaître internationalement, entre autres, par A Space for Conversation dans le Turbine Hall de la Tate Modern de Londres en 2000 et par des expositions dont il a été commissaire, à Londres également. Il avait déjà participé au group show Format de février dernier dans cette même galerie.

Par la pluralité de ses pratiques et techniques, Simon Moretti pose des interrogations sur l’art, la création artistique et la représentation des idées. La multiplicité des modes d’expression possibles, face à une création pléthorique, a souvent pour sources d’inspiration les échos iconiques de l’histoire de l’art dont notre culture de consommation se nourrit. Consciemment ou inconsciemment, l’imagination de l’artiste stocke les rencontres esthétiques, assimile les expériences artistiques et incorpore les codes formels et autres symboles pour mieux les remixer en une nouvelle combinatoire et en de nouveaux matériaux qui deviennent expressions de sa personnalité.

Cette exposition en solo de Simon Moretti frappe ainsi par la diversité des médiums employés : néon, tissu, plexiglas, poterie et canevas. Cette production très éclectique est une des raisons du choix de l’artiste par Philippe Valentin : « J’aime cela chez tous mes artistes. Peu de gens ne font que de la photo, de la peinture ou de la vidéo. J’aime les gens qui touche à tout. Quand un médium est important pour un sujet, c’est ce médium qui est utilisé. Cela caractérise bien les gens avec qui je travaille. »

C’est bien ce que Simon Moretti a fait en affichant, à l’entrée de la galerie, et en lettres capitales, son enseigne en néon blanc : REMIX. Sa publicité fluorescente annonce que le jeu de la visite va consister à reconnaître les sources d’inspiration cachées dans les œuvres et à rechercher l’idée séminale.
Elle est également une ré-appropriation du travail passé de John Armleder que l’artiste a invité avec un objectif en tête, selon Philippe Valentin : « Puisque beaucoup de ses pièces sont des emprunts ou des citations d’autres travaux, Simon voulait que, dans ses citations, il y ait une œuvre réelle par quelqu’un d’autre qui vienne comme un décor de ses pièces. »
John Armleder remplit doublement ce rôle. D’une part, l’artiste anglais avait lui-même été marqué par le cliché que représente le tube néon, et avait utilisé, dans des œuvres, ce qu’il considérait comme le signe sémiotique de la pensée occidentale et le stéréotype de la publicité moderne. D’autre part, il offre ici un des fils conducteurs d’interprétation et de décryptage de l’exposition de Moretti. Son grand wall drawing, sorte de papier peint à larges fleurs blanches, de forme identique, sur fond bleu, relève de la tradition de l’art décoratif anglais : la tendance « Art and Crafts » promulguée par William Morris (1834-1896). Ce théoricien et praticien influent voulut transformer l’art en un fait de la vie de tous les jours. Le travail d’Armleder incarne parfaitement le parti pris artistique et décoratif de Morris, fait d’authenticité et accessible à tous, et qui simplifie à l’extrême les procédés et juxtapose les tons francs.

L’ambiance créée par ce mur peint trouve, par exemple, des correspondances dans le Portrait of Jacqueline With Flowers de Simon Moretti. L’artiste transmute le célèbre portrait de Pablo Picasso, datant de 1954, en une série de sept vases en céramique (un médium cher à Picasso), posés sur le sol de la galerie. Il ne conserve que les principes formels géométriques et les couleurs vives du portrait d’inspiration cubiste. Il condense les lignes essentielles du buste raide, du long cou et du visage anguleux de celle qui fut la dernière compagne de Picasso en un nouvel univers plastique et visuel. Une double inspiration donc.

Une autre résonance d’art décoratif anglais se trouve dans le mince édredon, matelassé et surpiqué géométriquement (Untitled), de couleur orange qui est accroché au mur comme une tapisserie.

L’évocation d’une photo d’une performance de l’artiste Kazuo Shiraga du groupe Gutaï (Challenging Mud, 1955) trouve sa transcription figurative dans un canevas (Untitled (Kazuo Shiraga)) dont les points réinterprètent les pixels photographiques. Simon Moretti a procédé de même avec des photos iconiques comme celle de Jackson Pollock et de Herman Nitcsh.

Enfin, avec Afterimage No.7, l’artiste réalise un travail subtil sur la lumière et les ombres portées en perçant des trous dans deux plaques de plexiglas transparent.

L’exposition de Simon Moretti montre que son imagination l’emporte sur le modèle dont elle se libère. Celle-ci part de la mémoire pour aller vers une nouvelle image qui ouvre, à son tour vers de nouveaux possibles. Il ne s’agit donc pas, pour l’artiste, de répéter des formules, mais de pousser plus avant, et dans une autre direction, l’idée artistique ou la référence historique grâce, en particulier, à des transferts de médium.

Simon Moretti
— Remix, 2003. Néon, transformateur.
— Portrait of Jacqueline With Flowers, 2003. 7 vases blanc, rouge, vert, bleu.
— Untitled, 2003. Aplat de tissu orange.
— Untitled (Kazuo Shiraga), 2003. Canevas.
— Afterimage No. 7, 2003. Plexiglas.

John M.Armleder
Antherpos, 2003. Wall drawing. Dimensions variables.

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