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Side and Back

La Galerie Kamel Mennour est une jungle. Un labyrinthe poétique de lianes-pneus que l’on traverse amusé, avec l’étonnement retrouvé de nos yeux d’enfants. L’installation, créée à base de vestiges d’objets de notre société d’ultra consumérisme, donne vie à un monde nouveau à l’univers un brin fantastique. La visite sera sportive.

La première salle est la salle du «Cyclisme», mais l’utilisation habituelle de l’objet-vélo est ici biaisée, elle devient décoration et synecdoque puisque réduite à une partie de l’objet, qui disparaît dans une autre représentation, sauvage et surréaliste. Dans la forêt tropicale, le sport est en jachère.

Puis vient le tour du «Football». L’artiste retourne la peau du ballon, il présente l’envers de l’objet et se fabrique une sculpture en forme d’alvéoles en suspension. Observe & Reverse est un appel à la réflexion. Le lisse parfait du cuir fait place aux imperfections du verso; l’objet footballistique, symbole de culture populaire dont les rendez-vous réguliers font souvent date dans la vie d’une ville ou d’un pays, est ici dématérialisé. Dario Escobar perturbe les signes culturels et industriels de notre monde moderne pour tenter de dévoiler une face cachée de notre société.

Quel visage le monde du sport a-t-il dans l’œuvre de l’artiste guatémaltèque ? Les objets sont mutants, décontextualisés, les idéaux compétitifs et capitalistes du milieu sportif sont presque ridiculisés, du moins déjoués. En détournant ces objets pour créer des installations/sculptures, Dario Escobar joue avec les signes du monde moderne, offre d’autres valeurs aux choses qui nous entourent.

Descendre dans la crypte de la galerie, c’est comme entrer dans un cimetière de voitures, dont ne subsiste que des spectres de pare-chocs rutilants, accidentés et déstructurés. Il n’est donc plus possible de pratiquer ce sport tant adulé qu’est le karting ou peut-être ces spectacles de «Demolition Derby» lors desquels le public encourage la destruction de voitures.
Le but étant que les automobilistes jettent leurs engins les uns contre les autres jusqu’au climax, la mise à feu du moteur. Crash n’est pas l’apologie de la violence, il n’est plus question de démolir pour le plaisir (oui c’est un sport!) puisque l’objet est présenté détruit au préalable donc inutilisable.

Dario Escobar offre au visiteur un parcours initiatique en milieu sportif, mais les signes qui lui sont présentés sont en rébellion, en ébullition. Avec Dawn II, les battes de baseball accrochées au mur perdent leur usage premier et ne sont plus que des prétextes à l’art, la représentation stylisée d’un relief montagneux.
L’artiste propose une poétisation de notre culture populaire en prenant le sport comme bouc émissaire, générateur de transactions financières incroyables et grand rassembleur de masse populaire.

Liste des œuvres :
— Dario Escobar, Kukulkan, 2009. Installation, pneus, dimensions variables.
— Dario Escobar, Observe and Reverse. Cuir et acier, 90 x 75x 75 cm.
— Dario Escobar, Black Mirrors, (espejos negros) 2007. Graphite sur papier, 170 x 107 cm.
— Dario Escobar, Crash IV, V, VI, 2009. Fer et acier chromé, dimensions variables.
— Dario Escobar, Dawn II, 2009. Bois, 215 x 190 cm.