PHOTO | CRITIQUE

Set Up

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@17 Déc 2012

L’exposition «Set-Up» réunit six artistes qui poussent la photographie dans ses retranchements en tant que matériau artistique. La perspective, la théâtralité, la construction, la composition, la fiction, les genres canoniques tels que le nu et la nature morte, la force figurative, etc., sont autant d’éléments esthétiques photographiquement interrogés.

Le travail de Michele Abeles est étroitement lié à une interrogation de la photographie. Véritables constructions en studio, ses clichés combinent des hommes nus à des objets du quotidien, familiers jusqu’à la fadeur, mais subrepticement chargés d’associations suggestives, symboliques ou narratives. Les modèles recrutés par petites annonces sont placés de façon que leurs corps soient tronqués par le cadre, comme de simples accessoires. Les corps nus ne sont jamais plus que des choses — bouteilles, rochers ou bouts de papier — qu’elle rassemble pour composer d’énigmatiques natures mortes.

Ainsi, Leaf, Grid, Ladder, Black, White regroupe une feuille d’arbre, une grille, une échelle et le corps d’un homme presque imperceptible derrière la grille, sa peau claire se mélangeant sur le fond blanc. Les images de Michele Abeles sont toujours dépourvues de sujet central, ce qui dissout les identités et singularités. Ces espaces toujours privés de relief accusent la manière dont les images sont consommées en ce XXIe siècle saturé par les médias: souvent dans la platitude d’un écran d’ordinateur encombré de fenêtres superposées.

Rendre l’ordinaire spectaculaire et unique est l’orientation esthétique adoptée par Elisa Sighicelli qui dresse des mises en scène toujours dépouillées et poétiques à l’aide de scotch, papier et autres objets triviaux qu’elle agence et transcende par un délicat travail sur la lumière et l’espace.

Quant à Corin Hewitt, ses photographies sont issues de la performance Seed Stage qu’il faite en 2009 au Whitney Museum of American Art. Installé pendant dix jours dans une maisonnette créée pour l’occasion, il a passé une partie de son temps à cuisiner. Après avoir haché, tranché, stocké, renversé, nettoyé fruits et légumes, il les a transformés en sculptures (en s’aidant de papiers imprimés) qu’il a photographiées.
Les natures mortes ainsi obtenues sont le «fruit» d’une performance artistique, d’un travail de composition et de prise de vue photographique en studio, mais aussi de l’action du temps dont les effets se manifestent dans l’inexorable pourrissement des fruits et légumes.

Kate Costello utilise le studio de façon radicalement différente pour les mises en scène de sa série Kiki & Me dans laquelle des femmes anonymes posent nues devant de grandes peintures très colorées, réalisées par la photographe elle-même dans un style des années 50-60. Les poses assez libres et vivantes des femmes devant ces toiles à l’aspect de décors de théâtre confèrent aux images l’aspect d’une théâtralité improvisée, et d’une sensualité assumée..

Le dispositif scénique se retrouve dans la série Horizon/s pour laquelle Matt Lipps s’est approprié des images du magazine culturel américain Horizon qui a vu le jour en septembre 1958. Dans un processus facétieux, il a découpé, assemblé, puis re-photographié et imprimé ces images-objets dans lesquelles JFK peut côtoyer Jules César pour s’entretenir sur le cours de l’histoire…
Le processus d’appropriation et de montage numérique trahissant volontairement le contexte et la signification des images est exemplifié dans le diptyque Untitled (Sculpture) construit en forme de pêle-mêle de sculptures issues de Grèce antique, d’Afrique et du Moyen-Orient.

Sam Falls se sert lui aussi de la nature morte pour interroger les potentialités et limites de la photographie. Est-elle vraiment apte à représenter le réel? Peut-être pas, soupçonne l’artiste qui lui associe la peinture pour atteindre le résultat voulu. Insatisfait par des clichés de fruits et légumes — des bananes et des poivrons — réalisés sous le soleil de Californie, il s’en sert comme matériau pour imprimer leur marque sur le tirage à l’encre colorée.

Å’uvres
Michele Abeles, Leaf, Grid, Ladder, Black, White, 2011. Archival pigment print. 35.60 x 26.70 cm
Kate Costello, Amy & Jennifer, 2010. Chromogenic print. 41.9 x 33 cm.
Kate Costello, Lynette, 2011. Chromogenic print. 38.7 x 41.9 cm
Kate Costello, Athena, 2006. Chromogenic print, 27.9 x 41.9 cm
Kate Costello, Karen, 2010. Chromogenic print, 41.9 x 32.4 cm
Kate Costello, Sarah, 2010. Chromogenic print, 41.9 x 27.9 cm
Corin Hewitt, Untitled # 57, From Seed Stage, 2nd January 2009. Digital pigment print. 35.6 x 53.3 cm
Corin Hewitt, Untitled # 58, From Seed Stage, 2nd January 2009. Digital pigment print. 35.6 x 53.3 cm
Corin Hewitt, Untitled # 59, From Seed Stage, 2nd January 2009. Digital pigment print, 53.3 x 35.6 cm
Corin Hewitt, Untitled # 60, From Seed Stage, 2nd January 2009. Digital pigment print. 53.3 x 35.6 cm
Corin Hewitt, Untitled # 61, From Seed Stage, 4th January 2009. Digital pigment print. 53.3 x 35.6 cm
Corin Hewitt, Untitled # 63, From Seed Stage, 4th January 2009. Digital pigment print. 35.6 x 53.3 cm
Corin Hewitt, Untitled #65, From Seed Stage, 4th January 2009. Digital pigment print. 35.6 x 53.3 cm
Matt Lipps, Untitled (Shape), 2010. C-print. 101.5 x 134.5 cm
Matt Lipps, Untitled (reach), 2010. C-print. 101.5 x 134.5 cm
Matt Lipps, Untitled (Sculpture), 2010. C-Print. 84 x 223.5cm
Sam Falls, Chiquito bananas and yellow bell pepper, 2012. Diptych, acrylic on archival pigment print
Elisa Sighicelli, Untitled (Tape), 2011. Framed laminated, C-Print, Tape. 58 x 58 x 4 cm
Elisa Sighicelli, Untitled (Circle), 2011. Framed laminated C-Print, Tape. 78,5 x 78,5 x 4 cm
Elisa Sighicelli, Untitled (Wall), 2011. Framed laminated C-Print, Tape. 58 x 58 x 4 cm
Elisa Sighicelli, Untitled (Strings and six nails), 2011. Laminated C-Print mounted on aluminium, six nails. 56 x 56 cm

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