ART | EXPO

See the Bright Opportunity in Each New Day

17 Sep - 31 Oct 2015
Vernissage le 17 Sep 2015

L’histoire de l’art, la culture populaire et les découvertes scientifiques nourrissent l’œuvre de Bettina Samson. Elle trouve dans l’hybridation des héritages, l’amorce d’un récit, réel ou fictif, qui appelle une réalisation plastique. Dans la série des Kink, sculptures en terre cuite chamottée, elle convoque aussi bien Walt Disney que Rudolphs Steiner ou Hans Arp.

Bettina Samson
See the Bright Opportunity in Each New Day

Ces élévations rugueuses faites d’angles et de courbes alambiquées seraient-elles advenues entre des mains abandonnées aux injonctions de la forme, à la marge de tout programme cognitif sauf celui qui consiste à laisser la matière accueillir les influences inconscientes et les visions fugaces, bref, l’inspiration?

En effet, les sculptures de la série Kink (More Honour’d in the Breach) n’ont d’autre nécessité qu’elles-mêmes, ni d’autre finalité, dans une sorte d’existentialisme rocheux — cherchant même à atteindre un état de plénitude réservé aux décors de jardin. Cette humeur légère infuse leur corps minéral qui semble aspirer à un mouvement centrifuge, poussant ses capacités physiques dans une démonstration de souplesse un peu crâneuse, à l’image de cette expression décontractée d’une abstraction pure, trônant à hauteur de genoux sur un socle.

Mais cette suspicion de naïveté ne saurait résister à un cartel — ou un œil averti: il s’agit bien là d’une série de céramiques, sculptures en terre cuite chamottée. Et cette indication technique confirme le penchant des œuvres de Bettina Samson pour le double jeu tout en poussant dans les sables mouvants toute interprétation trop sûre. Le récit sur l’origine des formes s’en trouve entièrement retourné. Quand la matière dure et sèche révèle sa vraie nature, humide et élastique, quand le geste irréversible (de la taille directe) s’avère procéder par tâtonnement — le matériau évidé étant de fait un matériau ajouté — que le cuit passe pour cru, alors que vaut de distinguer l’envers de l’endroit ou encore une citation de l’architecture brutaliste d’une référence à la sculpture biomorphique, parmi les illustrations du Moi et du Ça de la modernité? L’orthodoxie à laquelle s’astreint Bettina Samson est donnée dans ce sous-titre emprunté à la poésie Shakespearienne; traduisons que les dogmes esthétiques comme les protocoles techniques sont ici «honorés par l’infraction».

La méthode s’applique au petit tableau de verre coloré fusionné et gravé par sablage en hommage au Josef Albers transcendé par la rencontre des bas-reliefs mayas (By the Hollow). Là encore la matière liquide opère la fusion des mythes et des utopies pour se figer dans un objet en suspens, comme piégé dans l’arrêt sur image de sa métamorphose, à la croisée de ses destinées (entre l’art pour l’art et le décoratif, par exemple).

Mais c’est là, précisément, que l’objet saisit sa belle opportunité. Et dans un élan optimiste s’échappe du scénario historique, jusqu’à tenter de s’affranchir de ses propriétés physiques: éprises de cette formule philosophique tout droit sortie d’un manuel de coach personnel qui donne son titre à l’exposition, les faïences s’activent.

Cet animisme joyeux — hors des terriers alchimistes et des antres ésotériques — Bettina Samson l’a débusqué dans l’ADN de la modernité. En effet, l’hybridation des héritages, de Rudolphs Steiner à Hans Arp, convoquée dans la série Kink sait ce qu’elle doit à Walt Disney et aux premiers Mickey Mouse dessinés par Ub Iwerks et pour lesquels Serguei Eisenstein proposa de relier la technique de l’animation à l’animisme.

Les trois ensembles composant Anima (Steam Whistles) matérialisent dans la faïence émaillée la chorégraphie des sifflets de Steamboat Willie, qui, dans leur anthropomorphisme minimal se font les emblèmes burlesques d’une pulsion vitale — chanter et danser étant la seule raison d’être des personnages de Disney. Empêchés par un mode de représentation à contre-emploi, les trois acolytes tentent tous les efforts pour faire durer le spectacle dont l’illusion s’est dissipée.

Mais ils peuvent compter sur l’encouragement d’autres objets qui opèrent autour d’eux de discrètes incantations de seconde main. Ainsi de cette brique réfractaire déguisée en pierre philosophale (La Borne), ou de ces caractères d’imprimerie érigeant un totem constructiviste à l’honneur d’une ponctuation expressive (Bauspiel).

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