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Se confier aveuglément à la baleine

PEmmanuel Posnic
@25 Sep 2008

Cela nous avait échappé, nous ne le savions pas. Les objets de ce monde ont une âme, voire même peut-être une seconde vie. Gitte Schäfer le prouve dans cette exposition virevoltant autour de multiples référents culturels.

Gitte Schäfer a la passion des objets. Dans les brocantes, dans les livres et ailleurs, entre les guéridons, les moulins à poivre et les chromos de reproductions d’œuvres, elle déniche tout un monde de chimères brinquebalantes qu’elle finit ensuite par assembler.

Déglinguées certes mais jamais aveugles. Les installations de l’artiste fascinent par l’équilibre et l’homogénéité des formes qu’elles proposent. Pas d’accumulations à la limite de la rupture, pas de mélanges qui se contredisent: une exposition de Gitte Schäfer ne pêche jamais par excès. Elle offre plutôt le visage pluriel d’une culture à sens multiples.

Et d’une culture qui évalue l’objet à son potentiel esthétique. Quitte à en dénaturer l’aura ou la fonction. C’est le cas des totems que les sociétés coloniales et post-coloniales ont singé jusqu’à leur retirer toutes fonctions cultuelles pour en faire un objet d’art ou mieux, un simple objet de déco.
Alors Gitte Schäfer retourne le compliment. Une pile de livres et un pied d’appareil-diapo (Barbra) vont combiner les exercices de style et servir autant de portrait que de totem. Une manière de faire la nique à l’art antique de la sculpture et à toutes les mystifications culturelles.

Car Gitte Schäfer n’hésite pas à retoquer l’histoire de l’art et à en décrocher tous les emblèmes. Sans pour autant la soumettre à un procès en règle. Au contraire, les mythes artistiques l’intéressent au même titre que les objets parce que précisément ils sont aussi en déshérence. Et pour certains d’entre eux, ils ont même perdu leur pouvoir iconique. C’est le cas de ce Saint-Michel grossièrement repris à la craie ou de cette mosaïque aux ornements géométriques réalisées avec de simples minéraux de couleurs différentes.

Le Ready-made n’est jamais très loin non plus. Le Rideau accroché au mur sans fenêtre et Virgo N.2, la boîte remplie de cheveux tressés, laissent planer la saveur de l’absurde.
Mais ce qui l’emporte avant tout c’est la rencontre fortuite d’objets ou de symboles qui, une fois assemblés, va produire un sens nouveau, une nouvelle incarnation et peut-être même un nouveau terreau pour la mythologie.

Et au-delà, cet alchimie compulsive qui porte l’objet en trophée va exacerber, non pas tellement la critique de l’objet ou de son maniement, mais plutôt la tentation décorative.
Voilà où se situe le propos de Gitte Schäfer et, sous l’apparence du chaos, ses brillantes orientations.
 

Gitte Schäfer
Hydra, 2008, 2008. Cuivre. 120 x 86 cm.
Virgo No.2, 2008. Bois, chanvre. 45 x 28,5 x 10 cm.
Gavotte, 2008. Laiton, bois, plume. 100 x 30 x 24 cm.
Barbra, 2008. Livres et métal. 163 x 70 x 40 cm.
Rideau, 2008. MDF et tissu. 127 x 39,5 x 1 cm.
Lydda, 2008. Peinture murale. 250 x 230 cm.
L’ éclat de l’ araignée, 2008. Pierres. 500 x 300 cm.

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