ART | CRITIQUE

Sarah Morris

PIsabelle Soubaigné
@12 Jan 2008

Depuis plusieurs années, dans ses peintures abstraites aux couleurs vives, Sarah Morris déconstruit l’architecture contemporaine des mégapoles américaines. Elle a accroché à l’entrée du Palais de Tokyo une immense fresque qui s’étale verticalement : Endeavor [Los Angeles].

Une immense fresque nous accueille dès l’entrée. La structure aux couleurs vives qui s’étale verticalement guide notre regard à la surface du mur. Endeavor [Los Angeles] de Sarah Morris s’inspire des grandes mégapoles américaines. Depuis quelques années, l’artiste déconstruit l’architecture contemporaine de ces villes.

Peintures abstraites : le paysage urbain prend des allures de diagrammes aux lignes brisées et aux intersections multiples. Les aplats d’acrylique brillants sont traversés par des lignes blanches mates. La lumière s’accroche différemment sur l’étendue polychrome.

Vue aérienne schématisée : la toile d’araignée ainsi présentée nous capture et nous entraîne dans des profondeurs inconnues. Que se passe-t-il derrière ce «tamis»? Le noir de certaines formes géométriques semble être emprisonné. Séquestré par cette grille aux mailles resserrées, on ne perçoit de lui qu’une faible existence. Et pourtant, il nous attire dans le piège. Le rythme saccadé, miroir de l’agitation incessante des villes aux dimensions démesurées imprègne l’espace. Pris dans ce tourbillon, nous avançons avec la sensation d’une fuite en avant qui nous dépasse.

A l’instar du nouveau roman qui n’introduit ses personnages que par le biais d’une enveloppe non nominative, sans jamais s’attacher à l’individu, l’artiste semble avoir vidé l’ensemble de toute présence humaine.
Dans l’oeuvre de Sarah Morris, l’anonymat est de rigueur, on sent plus le mouvement d’éventuels protagonistes qu’on ne les perçoit en réalité. Les tracés ne symbolisent que les voies empruntées par la foule sans la révéler autrement qu’à travers un flux incessant et sans fin.

Les plans de couleurs se transforment en complexes habités par l’animation quotidienne mais ne se montrent en fait que comme des surfaces de respirations immobiles. Lacérées de part en part, elles s’inscrivent dans le site peint et nous entraînent elles aussi dans la course effrénée qui se joue ici. Cette géométrie inextricable transforme l’entrée du musée. Elle désoriente le visiteur pour le guider vers un ailleurs abstrait à vivre autrement, de l’intérieur.

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