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S.A.V.

04 Fév - 07 Mar 2005
Vernissage le 02 Fév 2005

Réflexion sur les notions de travail, de production, de merchandising et de consommation dans l’art. Pastiche de l’entreprise IKEA, par le réalisation d’œuvres, telles des colonnes, répondant à des critères de rentabilité et d’efficacité

Communiqué de presse

Benjamin Sabatier

S.A.V.

Lors de sa première exposition personnelle à Noirmont Prospect en mars – avril 2003, Benjamin Sabatier avait rencontré un franc succès avec ses peintures en kit faites de punaises. Jouant du symbole de consommation qu’est la chaîne IKEA, Sabatier a déposé la marque IBK 1, qui diffuse en série limitée des boîtes contenant 1500 à 8000 punaises de couleurs différentes qu’il s’agit de disposer sur un mur à l’aide du patron et des outils fournis, afin de réaliser une oeuvre in situ, une peinture en kit.
Benjamin Sabatier présente ses nouvelles Å“uvres à la Galerie Jérôme de Noirmont, poursuivant sa réflexion sur les notions contemporaines de travail, de production et de consommation appliquées à l’art :l’art peut être interrogé à partir de ses constituants économiques, à partir du point de vue d’une logique de marché qui non seulement l’affecte, mais plus précisément l’institue et le fonde. (…) Mon travail fait appel à une économie qui précisément ne dissocie pas l’art du monde du travail – une économie qui englobe l’art et les conditions propres ou impropres de son apparition 2.

Dans la droite ligne des «peintures» en punaises présentées comme des kits IKEA, l’artiste crée l’ensemble de ses oeuvres en pastichant une entreprise qui conçoit aujourd’hui ses nouveaux produits destinés à une consommation de masse. Sa démarche se réfère à des notions propres à l’économie de marché; comme pour un produit industrialisé, le processus de création intègre ici les critères de rentabilité et d’efficacité: de faibles coûts de production avec un travail réduit au minimum et les matériaux les moins chers pour un résultat visuel des plus attractifs. Les créations de Benjamin Sabatier font toutes appel à des gestes et processus extrêmement simples, facilement modélisables et reproductibles : chiffonner des feuilles de papier, punaiser, empiler des rondins de bois ou de papier… À l’image de la Colonne La Redoute I exposée sur le stand de la galerie à la FIAC 2004, ses colonnes sont une illustration parfaite de ce processus créatif, dans lequel l’artiste s’empare préalablement d’un produit industriel normalisé que la réalité met à sa disposition, le catalogue de VPC 3 (qui est aussi un procédé commercial lié à la consommation de masse), et d’un matériau de base très commun et peu onéreux, le pin, pour substituer leur valeur esthétique, à la fois visuelle et tactile, à leur valeur d’usage désormais oubliée, par une manipulation qui mime le travail en série (le froissement du papier page après page, l’empilement des rondins).

De la même façon que notre économie contemporaine a fait évoluer la standardisation du produit de consommation vers une personnalisation et une démultiplication de l’offre par l’introduction de systèmes d’options variées et de formules à la carte, Benjamin Sabatier joue sur l’activation du matériau et de la couleur pour apporter de la multiplicité dans l’unité. Dans ses colonnes par exemple, il interchange les catalogues de VPC, chaque fabricant-publiciste travaillant différemment l’esthétisme des couleurs, ou il les remplace par des livres de poche, autre produit de masse réalisé avec du papier. En peinture, il n’y a pas de couleur à proprement parler, mais des matières colorées, d’où une relation univoque aux boules de papier que l’artiste utilise dans nombre de ses créations, qui sont en elles-mêmes des matières colorées. Ainsi les bacs à glaçons, dans lesquels sont placées des boules de papier issues de catalogues de VPC. En chiffonnant et en mettant en boule le papier publicitaire, l’artiste supprime la primauté donnée à l’image et au texte pour faire valoir la texture et les couleurs du papier, et en accumulant les boules et les bacs, il efface l’unicité de ceux-ci pour montrer un ensemble coloré, qui s’ancre dans une tradition de construction de la peinture tel un gigantesque quadrillage de mise au carreau.

Dans le cadre de cette entreprise de production et de recyclage qui réhabilite le déchet (le papier chiffonné est devenu élément pictural), Benjamin Sabatier a créé des pavés, petits blocs de plâtre de 9,5 x 9,5 cm dans lesquels sont coulés des déchets issus du quotidien : emballages de bonbons, étiquettes, sachets plastiques… Là aussi, l’insertion de matériaux non picturaux n’a pas pour but de remplacer la représentation des objets par leur présentation, mais elle renvoie à leur couleur, leur forme, leur texture, révélant leurs qualités sensibles. Ces oeuvres nous renvoient à une autre problématique commerciale, le « merchandising » spécifique des produits discount, où la présentation est inexistante et l’emballage réduit au minimum afin de satisfaire aux critères de coût. La présentation des pavés est donc volontairement basique et c’est ce que souligne l’artiste dans l’exposition en les disposant par étages de 49 blocs posés sur des plaques de carton, empilés les uns au dessus des autres sur une palette en bois.

Axé sur le processus de fabrication et les modes d’apparition de l’œuvre, le travail de Benjamin Sabatier décortique tout ce qui participe à l’œuvre : de sa production et commercialisation à son environnement (la critique, l’espace d’exposition, sa place dans l’histoire de l’art…). Il questionne et déconstruit ce qui fait « oeuvre », ce qui l’accompagne et le fait advenir à ce statut. L’œuvre ainsi créée est issue d’une production sérielle, bon marché, qui imite plus ou moins les modèles prestigieux et « griffés » de l’art. Ainsi, toutes ses oeuvres sont uniques et signées par l’artiste. Leur façonnage artisanal n’empêche pas leur présentation « industrielle » et c’est précisément dans cet interstice qui sépare le travail et son produit, la production et la consommation, que Sabatier situe sa création. Dans ce processus qui distingue l’objet industriel de l’œuvre d’art, l’artiste se pose comme le concepteur et le producteur de l’œuvre, même si il n’en assure pas lui-même la réalisation, tout exécutant devenant alors un outil de production. C’est le cas des peintures IBK, peintures hyperréalistes conçues comme des réclames pour la marque IBK. Réalisées par des assistants peintres embauchés par Benjamin Sabatier pour leur savoirfaire technique, elles mettent en scène des individus dans leur intérieur, entourés d’œuvres de Sabatier. Au lieu de se présenter comme les affiches de publicité à grand tirage des produits de consommation courante, ces publicités sur toile, non reproductibles, uniques par leur caractère de peinture, contrebalancent les oeuvres qu’elles figurent, qui elles sont multiples et reproductibles. 

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