DANSE | SPECTACLE

Fantasia

12 Nov - 13 Nov 2019

Pour sa deuxième pièce, Fantasia, la chorégraphe et danseuse britannique Ruth Childs livre un solo teinté de sonorités et d'émotions physiques. Prenant appui sur  des musiques familières (ayant bercé son enfance) elle remonte le fil de sa mémoire chorégraphique : une mémoire créatrice.

Avoir pour tante la chorégraphe postmoderne Lucinda Childs (née en 1940), qu’elle soit proche ou lointaine, sur un continent ou un autre, c’est forcément transporter en soi quelque chose de cette immense danseuse. Elle-même chorégraphe et danseuse, Ruth Childs (Cie Scarlett’s) cultive sa propre approche de la danse contemporaine. Après avoir remonté les premières créations de Lucinda Childs (2015), Ruth Childs crée la pièce The Goldfish and the Inner Tube (2018). Composée en collaboration avec Stéphane Vecchione, ‘Le Poisson rouge et la chambre à air’ joue plutôt sur l’absurde, la possibilité de l’incongru dans le geste, dans la danse. Formée au classique comme au contemporain, Ruth Childs oscille ainsi entre érudition et grattage de la spontanéité. Sa nouvelle pièce, Fantasia (2019), prend les traits d’un solo performé. Sur une composition sonore de Stéphane Vecchione, Ruth Childs y explore en quelque sorte les liens entre mémoire sonore et mémoire du mouvement.

Fantasia de Ruth Childs : la musique comme sésame de la mémoire du mouvement ?

Ou plutôt explore-t-elle, avec Fantasia, les « gestes spontanés et surprenants » que lui permet l’écoute de mélodies familières. Née en 1984, Ruth Childs a pour premier bagage sonore des pièces de Ludwig van Beethoven, Piotr Ilitch Tchaïkovski, Antonín Dvořák… Mais aussi le Fantasia (1940) de Walt Disney, avec sa féérie anachronique. Et du Casse-Noisette de Piotr Ilitch Tchaïkovski à la Pastorale de Ludwig van Beethoven, en passant par la Danse arabe ou la Danse slave en mi mineur… Ruth Childs plonge ainsi dans ses souvenirs musicaux d’enfance. Avec la mémoire corporelle et chorégraphique qui les accompagne. Sur une scène dépouillée, une sorte de chambre claire, Ruth Childs déroule le fil de ses réminiscences. Et ce sont des postures, des dynamiques, des attitudes et des élans qui se déploient. Autant de réalités physiques auxquelles elle n’aurait plus accès sans le sésame des mélodies d’enfance.

Un solo poétique où se mêlent émotions collectives et intimes, au fil du temps

Ou peut-être est-ce lié à une forme d’étonnement curieux dont les enfants savent l’enchantement. Ce que Pablo Picasso aura précisément cultivé, au-delà de la virtuosité. Un exercice paradoxal dans sa superposition des états. Car il s’agit alors à la fois de se souvenir, et d’oublier. Fantasia, de Ruth Childs, opère ainsi les deux. Son corps, elle le transforme en écran de projection. Référence explicite à l’installation vidéo Art Make Up (1974) de Bruce Nauman ; installation dans laquelle, au centre d’un cube de projection, les spectateurs regardent Bruce Nauman s’enduire de peinture. À la façon des poulpes, changeant rapidement de couleurs et formes, la danse circule dans les corps. Avec sa palette étendue de coloris, tonalités, textures et rythmiques, Ruth Childs remonte ainsi jusque dans l’enfance. Et entre mémoires intime et collective, avec Fantasia Ruth Childs livre une exploration des fils reliant sonorités, souvenirs, émotions, et manifestations physiques.

À découvrir en première française à l’Atelier de Paris / CDCN.

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