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Room Movies

10 Sep - 29 Oct 2005
Vernissage le 10 Sep 2005

Trois films représentant les grands genres du cinéma (le gore, le porno et le péplum). Le travail sur la pellicule, par le grattage et le dessin, et sur la musique intensifient le rapport intime du spectateur à la narration et à la représentation des thèmes classiques comme l’amour, le sexe et l’horreur.

Communiqué de presse
Camille Henrot
Room Movies

Dès ses premiers vidéos (Hey bonus !Metawolf, Lansky) et films d’animation (Histoire de Cesaria), Camille Henrot a développé le style d’une méthode, associant la musique, le dessin et le film.

Les trois nouvelles vidéos de l’exposition «Room Movies» ont ainsi été réalisées à partir de films récupérés : Deep inside (d’après un film porno sans titre), Dying Living Woman (d’après La Nuit des morts-vivants de Romero) et (sCOpe) (d’après un péplum, Les Nouvelles aventures d’Ali-Baba). Chacune développe un procédé d’action sur le film: dessin, grattage, modification du format panoramique. La frustration d’une attente prédéterminée par un genre cinématographique est d’ailleurs un principe commun aux trois vidéos, auquel on ne peut cependant réduire les deux contes à fleur de peau (Deep Inside et Dying Living Woman). (sCOpe) repose sur ce seul principe. La vision panoramique, étant absorbée par une anamorphose verticale, rétrécit jusqu’à disparaître.

Exemplaire d’une manière de travailler musique et image, Deep Inside est une déploration amoureuse, une ballade mélancolique sur fond de porno. Plongeant dans la nostalgie de l’amour perdu, les langueurs de la musique (de Benjamin Morando) font écho au noyau charnel de l’amour: la scène primitive est désormais la scène manquante, un tableau du passé, un tableau noirci. En effet, les scènes sexuelles, couvertes d’épais traits au feutre, sont en partie occultées et soustraites à la curiosité du spectateur. L’artiste a donc fabriqué un palimpseste. Glissant à la surface au rythme de la musique, le dessin a une double fonction: ajout d’agrément et parure archaïque évoquant des figures rupestres, son action est aussi magique, car, de même que l’apparition de formes en efface d’autres, les dessins conjurent la souffrance amoureuse. Inversant la règle d’efficacité sexuelle d’un genre qui n’a que faire de la psychologie, les figures qui défilent sur la pellicule sont celles du sentiment. Ces âpres broderies affectives sur fond charnel font surgir une question essentielle : le sentiment n’est-il pas que l’ornement du sexe?

Dans La Nuit des morts-vivants, chronique du triomphe des morts sur les vivants, Camille Henrot a choisi la première séquence, une poursuite, où un personnage féminin fuit devant ses prédateurs. C’est une vision de cauchemar. Le grattage, qui révèle la rugueuse texture du film, a le sens d’un acte salvateur: la victime, gribouillée, est transformée en archétypal fantôme blanc, échappant ainsi aux exterminateurs et à son destin de mortelle. Car que peut un fantôme (même méchant) contre un fantôme (même gentil)?
Ainsi, s’engendrant sans cesse les unes les autres, les formes composent en un flux continu des figures métamorphiques. C’est une physique des images, à l’œuvre aussi chez William Kentridge, dont le modèle est l’écriture automatique surréaliste, technique permettant à l’inconscient de se manifester hors des contraintes narratives.

Recouvrant de grands genres du cinéma (porno, horreur, péplum), et donc des thèmes éternels (amour, sexe et mort), Camille Henrot en active le ressort émotionnel. Les vidéos de l’artiste ont ainsi la séduction épidermique des chansons rock. Question de méthode: avec la musique, le sentiment s’épanche en toute liberté. Vibrant sur la pellicule au rythme des sons, les traits envoûtent le regard, et révèlent les caprices de nos fantasmes, phobies, angoisses ou désirs (on voit ainsi des têtes de morts, de chiens édentées…). «Room Movies» pourrait désigner, à l’instar de la musique de chambre, un cinéma de chambre, ce cinéma intime que l’on se fait seul.
L’action sur la pellicule ramène à la signification étymologique du terme («pellicula» signifie «petite peau»): Camille Henrot griffonne, grave, griffe, gribouille, tatoue une peau d’images. Elle impose sa marque. Au mouvement inéluctable du film vers sa fin, l’artiste appose sa graphie contre toutes les histoires qui finissent. Ces palimpsestes font surgir les fantômes de la pellicule, les démons que les nécessités du genre ou du récit étouffent. Ils représentent ainsi l’activité du spectateur se projetant sur ce qu’il regarde et la revanche du rêve sur le film hanté par sa fin.

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