PHOTO | CRITIQUE

Roman Signer

PAnne Malherbe
@12 Jan 2008

Roman Signer est spécialiste des déflagrations et autres performances explosives, dont il se contente généralement de livrer aux spectateurs les traces et résidus. Des installations sans mystère et sans au-delà; un réel idiot, remuant, volatil.

A l’écart de toute réflexion métaphysique (voir les peintures de feu d’un Yves Klein) ou d’une méditation sur la destruction et les ruines (Anne et Patrick Poirier), les déflagrations de Roman Signer sont anodines, voire frivoles. Au bout d’une tige sont accrochés trois ballons rouges (c’est ce que montre une première photographie). Sur la deuxième photographie il ne reste que deux ballons (le troisième ayant éclaté), et sur la troisième, il n’en reste plus qu’un, flanqué de deux lambeaux. Il faudrait, assurément, aller chercher bien loin pour voir dans le motif de l’explosion quelque référence au contexte politique actuel.

Légèreté et discrétion : Roman Signer travaille souvent dans la nature, sans témoin direct, avec des matériaux aussi légers que des ballons de baudruche (d’autres photographies montrent ainsi le même modèle de ballon rouge dévalant une cascade le long d’un fil) ; puis il publie le résultat de ses expériences à l’aide de photographies ou d’objets résiduels (ainsi, conjointement à l’exposition actuelle chez Art: Concept, la galerie & : in situ montre un morceau de bois brûlé accompagné de photographies). L’attitude de l’artiste rejoint celle de l’enfant qui fait des bêtises dans son coin mais s’arrange tout de même pour que les adultes s’en aperçoivent.

Sous la neige, l’artiste a placé un ballon : à mesure que le ballon gonfle, la neige craque. Ou bien encore, une paire de skis pourvus de brassards (comme ceux des enfants qui apprennent à nager) flotte sur un cours d’eau : réaction de survie de skis sous lesquels la neige viendrait de fondre? L’artiste est ici à chaque fois absent de l’image, laissant croire à l’autonomie insolite de l’objet, à un jeu que les objets et la nature joueraient à notre insu.

Mais Roman Signer réalise aussi des installations qui agissent sous nos yeux. Ainsi ce lampion de papier qui roule à l’intérieur d’un enclos circulaire sous l’effet conjoint de plusieurs ventilateurs. Ou encore ce drapeau rouge agité par les ventilateurs entre lesquels il est suspendu.

L’installation est sans mystère et sans au-delà : il y a un objet, des ventilateurs, et l’effet mécanique du second sur le premier. Le dispositif n’est nullement caché et l’air brassé par les ventilateurs ne constitue aucune intrusion perturbatrice dans la réalité, mais un simple fait. Les ventilateurs isolent un espace, un objet se meut à l’intérieur : tel est le dispositif minimal d’un spectacle, une portion de réalité soumise aux regards.

On est donc en pleine «idiotie» de l’art, selon ce concept mis à l’honneur par des expositions récentes. Une «idiotie», comme le rappelle Clément Rosset, est d’abord «un fait singulier, sans reflet ni double» (Le Réel. Traité de l’idiotie, Paris, éd. de Minuit, 1997-2004, p. 7). Elle est, selon le philosophe, la caractéristique même du réel. Pour Roman Signer, le réel est donc idiot, remuant, volatil.

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