DANSE | SPECTACLE

Fleshless Beast

20 Avr - 21 Avr 2018

La pièce Fleshless Beast s'enracine dans la rencontre entre le chorégraphe Roderick George et le DJ J'Kerian Morgan (Lotic). Tous deux installés à Berlin, ils livrent un live intense, conjuguant danse classique, hip-hop et électro chaotiquement sensuelle. Un bijou à l’éclat sombre, finement taillé.

La pièce chorégraphique Fleshless Beast [Bête désincarnée], du chorégraphe Roderick George, nait d’abord d’une puissante rencontre entre danse et musique. Chorégraphe et danseur natif de Houston, au Texas, Roderick George passe d’abord par le ballet classique. Un apprentissage collectif au sein duquel il est le seul danseur de couleur noire. Pratiquant et porteur de cultures potentiellement conflictuelles entre elles (ballet classique et danses hip-hop, par exemple), Roderick George compose des pièces en forme de jonction. Spectacle pour six danseurs, Fleshless Beast possède ainsi la densité des créations hantées. Et ce, en appui sur un live de Lotic (alias J’Kerian Morgan), ce DJ tout aussi natif de Houston que berlinois d’adoption. Soit une musique pétrie d’ambient minimaliste, stridente et sensuelle. Cultivant une atmosphère sombre et intense, Fleshless Beast rejette le manichéisme. Pour une pièce en tension entre noir et blanc, bien et mal, rationnel et irrationnel, souffrance et plaisir.

Fleshless Beast de Roderick George : danse classique, hip-hop et live electro

Littéralement entre les genres et les styles, Fleshless Beast déploie six danseurs sur scène. À savoir Olivia Ancona, Vinson Fraley, Roderick George, Dominic Santia, Harumi Terayama et Jin Young Won. Ce qui caractérise aussi bien la danse de Roderick George que la musique de Lotic, en un sens, c’est un certain usage de la coupure. Une savante mise en scène de la saccade, du cisaillement, où la fluidité parfaite de la danse classique se retrouve comme zébrée d’entailles. Avec des ruptures, plus ou moins profondes, qui semblent presque attaquer la chair du corps de ballet. Pièce à l’esthétique parfaite, Fleshless Beast présente des danseurs parfois masqués, évoluant dans un décor épuré, aux accents de club berlinois interlope. Et combinant l’attraction magnétique des mascarades nocturnes et la fascination solaire qu’exerce la danse classique, Fleshless Beast maintient les spectateurs en tension.

Entre les genres : la réunion des antagonismes, pour une danse plurielle

Voguing, Krump, Hip-Hop, voltige, danse contemporaine, ballet classique… Les six danseurs de la pièce Fleshless Beast parlent tous, couramment, plusieurs langages corporels. Avec un vocabulaire riche, aboutissant à la création d’une langue à la fois singulière et miroitante de différentes textures. Pour un spectacle qui effleure les zones de tension, bondissant d’un genre à l’autre, en esquivant les moments d’affrontement. Une forme de violence est présente, mais sublimée. Les ruptures symboliques s’enchainent au creux d’une chorégraphie oscillant, sur un rythme ultrarapide, entre fluidité et cassures. Donnant presque chair à un corps imaginaire, couvert de cicatrices. À l’instar d’un Frankenstein chorégraphique, Roderick George présente une créature, Fleshless Beast, qui recompose de l’unité à partir du divers. Comme autant de dynamiques brisées, ayant imposé de nouvelles manières de bouger. Et refusant de choisir entre les genres,  obligeant les antagonistes à cohabiter, Roderick George livre ainsi une pièce complexe, intense, parfaitement maitrisée.

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