DANSE | CRITIQUE

Rock Steady

PRoxy R. Théobald
@28 Mar 2012

Dans le cadre de son Festival EXIT, la Maison des Arts de Créteil présentait la truculente compagnie canadienne «Katie Ward_the choreographers». Expérimental à souhait et sous le signe d’une incontestable impertinence, son radical Rock Steady a alors tout simplement revu et corrigé en 50 minutes, les fondements dits logiques, du spectaculaire.

Et si la danse n’était que chocs musculaires? Mieux, simples chaos esthétiques et langagiers?
Explorant le désaccord et l’incommunicabilité sans la moindre complaisance, serait-ce ces intrépides danseurs tentent ici de nous dire?
La mise en scène délibérément déstructurée porte cet univers désopilant au-delà de toutes attentes.
Au vrai, Rock steady, n’a rien d’un spectacle. Performance par excellence, l’expérimentation se veut d’un bout à l’autre haute en couleurs!
Pas de temps pour le consensuel, le technique ou le virtuose. Le propos se veut brute. En guise de préambule: une longue, crue et minutieuse description d’orgasmes. Le ton est donné! Impudique? Risqué voire hardi!
L’art de la déconstruction régnant en maître, le plateau scénique d’ailleurs livre une alchimie explosive, méthodique et très déterminée.

Cinq danseurs en jean, t-shirt et tuniques superposées toutes couleurs réunis, évoluent alors dans des tableaux successifs, abruptes et sans fils narratifs.
Tantôt parés de lunettes de plongée, tantôt saucissonnés des bandes élastiques multicolores, cet humour certes décapant et ce désordre absolu ont-ils suffit à légitimer le discours?
De l’ironie au grotesque, Le cynisme des rapports humains est alors traité à son paroxysme. On hurle, se rentre dedans, court, saute, se jette pare-terre, se cogne dans les murs… La prise de risque physique et émotionnelle saisit. Pour sûre, la rhétorique gestuelle voudrait illustrer les sempiternelles luttes et divers échecs qu’instaurent nos confrontations sociales, mais l’engouement collectif parfois trop criard, perd par instants en substance.

Car l’atmosphère continuellement survoltée finit par dominer et quelque peu desservir l’énergie théâtrale pourtant de qualité.
Souvent parasités, nos regards de fait peinent à se focaliser. En effet, trop vite gagné par l’agitation ou l’excès, certaines séquences malheureusement court-circuitent de possibles amorces narratives. On aurait ainsi souhaité que durent les rares portés ou enchevêtrement de corps afin qu’un zest de danse enfin nous happe pour de bon… Peut-être, cette orchestration scénique, ô combien décalée, fait-elle malicieusement partie des règles du jeu?
En cela, l’exercice de style est de taille. Exclusivement trash, Rock Steady, ne tente bien évidemment pas de plaire ou de convaincre. Dépouillé à l’extrême, le dispositif offre libre court à une critique constructive. Finalement, n’est-ce pas là l’essence et le but de toute danse? Non-sens, non-formes, tant que les débats demeureront fructueux, la parole des artistes comptera. Soit, le sens de toute création ne se trouve-t-il pas in fine dans l’œil de celui qui la perçoit?
Tant de réponses palpitent dans les danses de nos imaginaires.

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